Deux oiseaux en cage [Mio - Erwan]

Retourner à Xényla après 6 mois, cela me fait bizarre. C'est comme si je n'avais jamais quitté cette école. Pourtant, c'est différent maintenant. Parce que je joue dans les poules adultes. Je suis arrivée en avance, dans une grande limousine noire, entourée de gardes du corps. Ce n'est plus la même chose qu'avant. Là, le Principal sait que ma venue va attirer plus de journalistes, que je fais la pub de son établissement. En même temps, dès que l'on a apprit qu'un membre du clan Vangarsenn venait aussi, les places se sont vendues comme des petits pains. Limite, à la prochaine édition, on devra réserver ses places avant. Ou le faire dans une arène de championnat.

Dès ma descente de voiture, une dizaine de personnes s'est ruée sur moi pour avoir un autographe, une photo ou des réponses à leurs questions. Pourquoi une chef de clan se déplace-t-elle ? Surtout, pourquoi participe-t-elle ? Les gens n'en peuvent plus. Sur ce simple événement, il y a déjà 3 membres imminents de clans. Et un Vangarsenn. Juste ce qu'il faut pour s'assurer que le spectacle sera grandiose. Dans les vestiaires, je profite qu'il n'y ait personne pour m'étirer et faire des exercices. J'ai déjà fait mes matinaux mais il m'en faut d'autres pour me maintenir prête à toute éventualité. Si je tombe sur le prof de musique dès le premier tour, j'ai intérêt à être en forme pour pas souffrir trop longtemps.

Un premier combat passe, puis on appelle mon nom. Suivi de celui d'Erwan Krivanser. Le musicien. Horreur et déshonneur. J'aurai aimé l'avoir en finale pour lui mettre sa pâtée. J'en suis toute triste. Lentement, j'entre dans l'arène. Simplement vêtue d'une brassière bleu ciel, d'un leggings de sport lila et gris clair et de baskets blanches, je me retrouve face à un homme habillé en croquemort. Et très grand. Avec un sourire absolument faux, je m'incline devant lui comme je le ferais avec chaque adversaire puis me recule. Le Krivanser déploie ses ailes d'hybrides, flamboyantes de toutes les couleurs. Mes hommes s'étaient renseignés à son propos, c'est un perroquet. On peut donc être certains que ce sera un combat dans les airs. Dans mon dos, mes ailes de corbeau s'étirent et reprennent leur taille habituelle. C'est à dire, énorme. J'attends qu'il fasse le premier pas. Qu'il attaque pour que je le détruise.

Moi qui attendait un puissant combat dans les airs, imposant et époustouflant pour les spectateurs, je suis déçue. Et je pense que le public l'est aussi. C'est vrai quoi. Que vaut les poings face aux grands affrontements aériens. Les gens veulent du spectacle voyons, ils sont venus pour ça. En soupirant, je pars chacun de ses points avec des gestes différents. Juste pour lui rappeler qu'au corps à corps j'aurai toujours le dessus. Je suis une Fujiwara tout de même, une spécialiste des techniques et sports de combat. Avec un sourire, je le repousse une énième fois et recule en trois petits sauts. Si le Lambert n'a pas son spectacle, il va me faire une scène. La populace aussi.

- Dis moi, chien des Vangarsenn, que dirais-tu de continuer notre échange dans les airs ?

Bien positionnée, je prends mes appuis et m'élance vers le ciel, en deux trois battements, me voilà suffisamment stable pour m'élever encore plus haut. Il faut que les épaules touchent le sol pour finir un combat. Je vais faire en sorte qu'il y tombe. Dans les pommes.

En haut, je peux détailler les moindres recoins de son dos. Brûlé. Il s'est brûlé pour effacer son tatouage. Erwan Krivanser n'appartient plus aux Vangarsenn. Même mes frères n.en sont pas allés jusqu'à cette extrémité. Hélas pour le perroquet, si il y a bien une chose que je déteste, c'est ceux qui renient les clans. Croit-il que la vie est simple ? Croit-il qu'on peut s'arracher de sa famille si facilement ? Je hais les gens qui pensent comme cela. En serrant les dents, je le regarde monter. Nous formons un drôle de contraste avec mon dos tatoué et le sien blasphémé.

Il suffit d'un instant pour que mon pied vienne à la rencontre de son visage. Il ne sait pas qui il s'est mis à dos. Les Vangarsenn sont peut-être puissants mais seulement grâce à la fourberie. Moi, je suis puissante, comme jamais il n'a rencontré quelqu'un. Notre clan forme dès le plus jeune âge et je suis la plus entraînée de ma génération. Très vite, j'enchaîne les coups, chacun différents. Je veux l'épuiser avant d'utiliser ma technique spéciale. Mes plumes seront son coup de grâce.

Erwan Krivanser est un déchet. Me battre contre lui, j'ai l'impression de perdre mon temps. Je n'aurai même pas besoin de mes plumes pour le vaincre, il s'étiole à vue d'oeil. Cet homme n'a pas l'habitude de se battre, sa façon de bouger est ridicule. Pourquoi est-il venu là ? Pour m'offrir une victoire facile ? Je n'en demandais pas tant. Avec un sourire mauvais, je lui assène encore quelques coups. Il perd des plumes. Même ça, il ne peut pas le tenir. Mais qu'a-t-il fait de sa vie, sérieusement. Je suis profondément déçue. Mon futur adversaire a intérêt à être un tant soit peu intéressant.

Avec mon pied, je l'attaque à la tête puis finis par lui attraper ses épaules pour descendre en piqué. De toute manière ses ailes ne lui servent à rien. Je peux bien le maitriser comme je veux.

Lorsque son corps touche le sol, je m'échappe un peu plus loin en volant. J'ai gagné. Il est à terre et moi, je l'ai réduit à néant. Comme la vulgaire poupée de chiffon qu'il est. En soupirant, je m'incline devant le public tonitruant et quitte l'arène. Il faut bien que je me repose maintenant.

Ce combat, il l'avait attendu avec tant d'impatience. Une Fujiwara face à un Vangarsenn. Une cheffe face à un sous-fifre. Le combat des deux grands ennemis. Seule la Battle School pouvait accueillir ça et c'était lui, un membre des Lambert qui organisait ça. C'était ce combat qui avait attiré tant de représentants des clans. Tous voulaient savoir ce qui allait se passer. Après tout, c'était si exceptionnel.

Le spectacle fut au rendez-vous. Un combat aérien, rien que ça. Et plus encore, la brûlure présente sur le dos du musicien. Il s'était brûlé. Il avait renié son clan. L'homme serra les dents mais ne pipa mot. Au contraire il observait les diverses réactions du publics. Certains étaient choqués, d'autres jugeaient cela génial sans prendre en compte les conséquences que cela avait. Une chose était certaine en tout cas, c'était que la Fujiwara était énervée. Il était connu des puissants qu'elle était la première à rejeter les renégats alors le pauvre perroquet avait signé son arrêt de mort.

Le coup de grâce était magistral et acclamé par la foule. Encore une fois, la fillette albinos avait prouvé sa valeur et sa puissance, elle s'inclina avant de quitter l'arène, sans lui laisser le temps de parler. Qu'importe. Il n'en avait pas besoin. Ses applaudissements parlaient pour lui et la moindre phrase pourrait être interprétée d'une mauvaise façon.