Perfect night (+caelan)

C'est pas possible, c'est pas possible, c'est tout simplement pas possible.
Où est-ce que cette fichue robe a bien pu s'envoler ?

C'est pas drôle hein. Je vous vois venir, à vous marrer derrière votre écran à m'imaginer en train de fouiller mon appartement de part en part à la recherche d'un vêtement que j'ai repassé il y a pas moins d'un quart d'heure. Mais c'est vraiment pas drôle. Je n'arrête pas de replacer la serviette qui retient mes cheveux mouillés et de resserrer le nœud de celle qui entoure ma poitrine pour ne pas finir totalement nue à courir partout.
Pas que ça dérangerait qui que ce soit, étant donné que je vis seule, mais tout de même. Être à l'aise avec mon corps ne me donne pas forcément envie de passer mon temps libre à l'exhiber sans raison.

J'ai regardé partout pourtant, mais pas moyen de la trouver.
Je ne l'ai ni rangé dans mon armoire, ni posé sur le dossier du fauteuil de mon petit salon, et elle n'est visiblement pas cachée dans ma salle de bain non plus, sinon je l'aurais sous les yeux à l'instant même. Pas moyen de comprendre comment elle a fait pour se volatiliser, c'est à n'y rien comprendre. C'est comme si elle avait senti à quel point j'avais besoin d'elle pour mon rendez-vous de ce soir et qu'elle avait décidé de me faire tourner en bourrique juste pour que je sois en panique si Zeru arrivait plus tôt que prévu.

Par pitié, si tu m'entends Unique, envoie-moi un signe.
Quelque chose.
Je prendrai n'importe quoi, vraiment.

Oh.
Vous me croyez si je vous dis que je viens d'avoir l'illumination à l'instant ?

Je me presse dans la cuisine en tâchant de garder mes serviettes en équilibre et... Bingo. Arrêtez de juger le sourire béat sur mon visage, j'ai vraiment cru que c'était la fin et que je devrais trouver autre chose à me mettre pour ce soir : ça me fait vraiment chaud au cœur de trouver mon beau bébé sur l'îlot de cuisine. J'avais totalement oublié de vérifier là plus tôt, étrangement. Ça coulait de source qu'elle se trouve là pourtant.
Oui, ça coulait de source. Parce que c'est là-dessus que je l'avais repassé en vitesse, juste avant de prendre ma douche.

Enfin bon, ne me reste maintenant plus qu'à me préparer pour mon rendez-vous à venir. Un petit coup d’œil à l'horloge du micro-ondes : il n'est pas encore tout à fait dix-huit heures et je n'attends mon cher et tendre que pour sept heures moins le quart, ça devrait largement passer.
C'est parti pour une mise en beauté efficace.

~~~

Toc toc toc.

Pile à l'heure, je ne vais pas laisser mon parfait petit-ami à la porte ! Je me dépêche donc d'aller lui ouvrir, parée jusqu'au bout des ongles.

La fameuse robe que j'ai passé tellement de temps à chercher partout dans mon petit appartement, c'est une création que j'ai fait spécialement pour l'occasion. Une robe noire, le dos ouvert jusqu'à la chute de mes reins, me permettant de mouvoir mes grandes ailes à ma guise. À l'avant du vêtement, je suis assez fière d'avoir réussi à créer un très joli tombé de tissu drapé, qui met en valeur ma poitrine sans tomber dans la vulgarité.
Au regard que mon Zeru a posé sur moi lorsque je lui ai ouvert la porte, on dirait bien que ça lui plaît en tout cas. Et est-ce que je vous ai dit à quel point il était beau, lui, dans son costume ce soir ? Je suis vraiment gâtée, c'est pas tous les jours qu'on se permet de se voir comme ça. Je ne boude donc pas mon plaisir en lui offrant un baiser furtif de bienvenue, avant de rapidement prendre un trench léger, d'enfiler ma paire de talons noirs, d'attraper mon sac et de le suivre à l'extérieur de mon appartement pour aller prendre sa voiture.

Je vais vous épargner les détails de notre voyage en voiture jusqu'au restaurant, puisqu'il n'y a de toute façon pas grand-chose à dire à propos de ça. On a papoté tranquillement, sans vraiment aborder de sujet en particulier.
Arrivés au lieu de sa réservation, je dois avouer que je suis vraiment sidérée de voir qu'il m'a sorti le grand jeu : le restaurant Amaris, rien que ça. Pas que je n'y suis jamais allée auparavant, mais jamais aucun de mes petits-amis précédents ne l'avait fait avant lui. Les seules fois où je suis déjà venue ici, c'était pour des repas professionnels avec d'autres mannequins de l'agence, pas vraiment un contexte particulièrement chaleureux, en somme.
Lorsqu'il ouvre donc ma portière pour me laisser sortir de la voiture, je prends sa main avec bonheur et le suis à l'intérieur du restaurant, consciente des regards que certains posent sur nous à notre entrée. Bien entendu, on ne reste pas main dans la main à l'intérieur : Zeru doit faire attention à son image, après tout.

Il ne nous faut pas longtemps pour être dirigés vers notre table et une fois de plus, mon petit-ami me sort le grand jeu en tirant ma chaise pour que je m'y assieds. Et que je n'en entende aucun rire du rouge qui me monte aux joues hein, parce que ça vous ferait le même effet si vous étiez à ma place ! Il est tout simplement parfait, parfois je me demanderais presque s'il n'est pas le produit un peu fou de mon imagination.
Moi. Avec Chaos, le célèbre Chaos.
C'est quand même un peu incroyable, vous me l'accorderez.

« Alors dis-moi, comment s’est passée ta journée ? J’espère que ça s’est bien passé. »

Zut, j'espère que je ne l'ai pas fixé trop longtemps, je ne voudrais pas qu'il me prenne pour une cruche maintenant.

Allez Caelan, on se redresse un peu sur sa chaise et on sourit, il ne manquerait plus qu'il pense que je m'ennuie déjà alors que je suis en train de passer le meilleur anniversaire de ma vie rien que par sa simple présence avec moi ce soir. Je suis comblée, alors autant qu'il s'en rende compte, puisqu'il en est la raison principale.

« Oh, oui, bien sûr. Il ne s'est rien passé de très spécial, en fait. Une journée comme une autre. »

Je croise mes jambes, lissant les plis de ma robe pour éviter d'en dévoiler trop aux yeux de mon cher et tendre avant de reprendre, sourire aux lèvres.

« Ce matin, je me suis levée tôt pour faire un brin de ménage dans le bar d'Owen avant d'aller à l'agence. J'ai eu de la chance d'avoir une pause de deux heures à midi, donc j'en ai profité pour aller faire un saut au magasin de jeux vidéos pour aller chercher la sortie que j'attendais et sinon, vraiment rien de très intéressant à noter. »

J'agrémente cette dernière phrase d'un léger rire silencieux, avant de passer ma main droite au niveau de mon visage pour replacer une petite mèche rebelle derrière mon oreille. Si j'ai fait l'effort de me faire un joli chignon déstructuré ce soir, ça n'est tout de même pas pour que mes cheveux viennent chatouiller mon nez, n'abusons pas.
Lorsque je repose mes mains sur mes genoux, c'est à nouveau en souriant que je m'adresse à Zeru, avide d'en savoir plus à propos de sa propre journée.

« Et toi alors ? Qu'est-ce que tu as fait de beau aujourd'hui ? »

Je le sais très bien, on dirait que je m'engage dans la conversation la plus bateau du monde, mais j'adore tout simplement l'entendre me raconter tout et n'importe quoi. Je m'intéresse évidemment réellement à ce qu'il pourra avoir à me dire, même si ça pourrait lui paraître ennuyeux à lui, parce que je ne m'ennuie tout simplement jamais avec lui.
Et puis je crois que je pourrais écouter sa voix pendant des heures, simplement parce qu'elle est si agréable à l'oreille.

Et qu'on ne me mente pas, je sais que vous aussi vous feriez tout pour l'entendre, si vous étiez à ma place.

Cette soirée s’annonce pour le meilleur. Le restaurant qu’on m’a conseillé à l’air très bon, et ma petite-amie est encore plus belle qu’à la normale. Sa robe met très bien son corps en valeur et puis, le chignon lui va très bien. « Oh, oui, bien sûr. Il ne s'est rien passé de très spécial, en fait. Une journée comme une autre. » Elle croise les jambes pour laisser un court temps de pause. « Ce matin, je me suis levée tôt pour faire un brin de ménage dans le bar d'Owen avant d'aller à l'agence. J'ai eu de la chance d'avoir une pause de deux heures à midi, donc j'en ai profité pour aller faire un saut au magasin de jeux vidéos pour aller chercher la sortie que j'attendais et sinon, vraiment rien de très intéressant à noter. » Je déglutis difficilement. Est-ce qu’elle vient bien de me dire qu’elle a acheté le jeu que je me suis cassé le cul à aller chercher ce matin ? Foutue coïncidence, moi qui pensais qu’elle m’en parlait pour que je lui prenne ça, j’ai encore mal interprété les signaux faut croire. J’aimerais bien me jeter dans un canal immédiatement. C’est frustrant, pour le coup je ne sais même pas comment je vais pouvoir rattraper le coup.

Je fais un petit sourire forcé pour ne pas lui montrer le problème qui vient de s’imposer à moi, je n’ai pas envie de pourrir la soirée maintenant. J’aurais bien assez de temps pour regretter quand je vais lui offrir son cadeau. Et puis il ne manquerait plus qu’elle s’en veuille de l’avoir acheté. Je la connais, elle ne me hurlera pas dessus en pensant que c’est de ma faute, au contraire et c’est bien ce qui me dérange. Pour être honnête je pense que la prochaine fois que je verrais cette foutue publicité pour ce jeu je vais beugler comme un veau. En réalité je suis content qu’elle se soit fait plaisir aujourd’hui, mais en même temps j’espère qu’elle me parle d’un jeu différent. Qui sait, il y a peut-être eu une autre sortie aujourd’hui. Quoique si ça avait été le cas, je l’aurais certainement vu en arrivant dans le magasin. On tente dans le doute, avec un peu de chance. « Le dernier Call of Damnation ? » Elle hoche la tête, ok, je suis mort. Complètement foutu.

« Et toi alors ? Qu'est-ce que tu as fait de beau aujourd'hui ? » Qu’est-ce que je vais bien pouvoir répondre sans dévoiler que je me suis précipité à la première heure devant le supermarché. « Hum, je me suis levé vers 10h, je suis parti à l’agence parce qu’ils ont encore une fois voulu éviter que je fasse présence dans un lieu public, mais je leur aie moyennement laissé le choix. Et immanquablement, ça a duré au moins 3h. Du coup, j’ai à peine eu le temps de rentrer et de me préparer. » Un serveur vient nous apporter une corbeille de pain, ainsi que deux menus. Nous examinons quelques instant les deux cartes et au bout de quelques minutes, un revient à nous. « Vous vous êtes décidés ? » Je hoche la tête et lui laisse l’honneur de commencer.

Les yeux fixés sur Zeru, je n'ai pas à attendre bien longtemps pour qu'il ne réponde à ma question. Et si j'en crois les traits de son visage, je serais prête à parier que la journée n'a pas été aussi parfaite que je ne l'aurais souhaité pour lui. Je ne sais pas trop pourquoi, mais il a l'air un peu embêté.

« Hum, je me suis levé vers 10h, je suis parti à l’agence parce qu’ils ont encore une fois voulu éviter que je fasse présence dans un lieu public, mais je leur ai moyennement laissé le choix. Et immanquablement, ça a duré au moins 3h. Du coup, j’ai à peine eu le temps de rentrer et de me préparer. »

Comme je le pensais, il n'a effectivement pas passé la journée la plus agréable possible. Je lui offre une petite moue de compassion et pose ma main sur son bras, tâchant de lui offrir un sourire de réconfort.
Depuis que nous avons commencé à nous voir, j'ai fini par me faire à toutes ces contraintes que son agence lui impose, mais parfois je me demande vraiment comment il fait pour ne pas devenir totalement fou. Je croyais pourtant que ce qu'on imposait aux mannequins était déjà difficile, mais Gözəllik a au moins la décence de nous laisser sortir à notre bon vouloir, tant qu'on garde l'image irréprochable de notre marque en public.
Je ne sais tout simplement pas comment il fait, avec son caractère ça doit être difficile à accepter, mine de rien.

Comme du coin de l'oeil je vois déjà un serveur revenir à notre table, les bras chargés d'une corbeille de pain ainsi que de deux menus, je ramène rapidement ma main à mes genoux. Je ne voudrais pas lui donner matière à imaginer quoi que ce soit vis-à-vis de notre relation. Lorsqu'il emmène tout ça à notre table, je n'oublie bien sûr pas de lui offrir mon plus beau sourire pour le remercier, l'observant s'éloigner avant de me plonger dans la carte.

Par l'Unique.

J'avais oublié les prix de cet établissement : c'est vraiment pas une enseigne de moindre qualité, ça je peux vous l'assurer.
Si je ne veux pas avoir l'impression de totalement dépouiller mon précieux petit ami de son argent, je crois qu'il vaudrait mieux pour moi que j'arrête de regarder combien coûte chaque plat. Oui, sinon je crois que je ne pourrai plus jamais le regarder dans les yeux sans me sentir mal de ce qu'il aura dépensé pour moi.

Mon regard parcourt donc rapidement les plats, à la recherche de quelque chose qui ne ferait pas avoir une syncope au diététicien de l'agence. J'ai le droit de me faire plaisir ce soir qu'il m'a dit, mais je sais que si je mangeais réellement ce dont j'avais envie, mon corps serait retrouvé dans le fond d'un caniveau du quartier nord. Terence ne plaisante pas avec les calories, croyez-moi, et il peut être particulièrement effrayant quand on ne suit pas son régime à la lettre.
Brrr.

« Vous vous êtes décidés ? »

Zut. À force de me perdre dans mes pensées en examinant le menu, je n'ai pas vu le temps passer et voilà que le serveur est déjà de retour, prêt à noter notre commande. Il s'attend probablement à ce qu'on prenne de l'alcool en apéritif, mais c'est absolument hors de question pour moi : profiter un peu de mon anniversaire, d'accord, mais il y a des limites.
Je relève donc mon nez de la carte pour le regarder et lui adresser un sourire poli alors que je prends la parole.

« Pas d'apéritif pour moi » Je me tourne ensuite vers Zeru, l'interrogeant du regard en complémentant ma réponse. « Je ne sais pas pour toi ? »

Posant ma carte à plat devant moi, je referme ensuite celle-ci en me tournant à nouveau vers le serveur. Si on ne veut pas perdre complètement notre rendez-vous à choisir bêtement notre nourriture en gâchant le peu de temps qu'on a ensemble, je serai vraiment frustrée de cette sortie alors autant expédier rapidement notre choix de plat.
Je vais donc prendre la même chose que la dernière fois que je suis venue avec mon agence, tout simplement. Comme ça, pas de risque de faire un écart trop imposant par rapport à mon régime strict.

« Pour moi ça sera donc une bouteille de 33cl d'eau pétillante, avec votre plat du jour. Le filet de Perche. Par contre, je suis allergique aux arachides, alors est-ce que vous pourrez en informer votre chef ? »

Je ne doute pas un instant de la réponse positive que m'offre le serveur, mais c'est toujours une étape obligatoire pour moi d'informer les restaurants où je mange de mon allergie. Vous n'imaginez pas le nombre de traces d'arachides qu'on peut retrouver par mégarde dans un plat qui pourtant n'en inclut pas d'origine.
Si j'ai fait tant d'efforts pour être belle pour mon petit ami secret, ça n'est pas pour qu'il se retrouve malencontreusement à m'emmener à l'hôpital toute boursouflée et en train de m'étouffer à cause d'une ingestion d'amandes inopinée.

Parce que oui, la moindre petite trace me ferait cet effet tant mon allergie pour ces aliments est violente.
Plutôt fun n'est-ce pas ?

« Et pour moi, ce sera un Ice Tea avec une escalope milanaise, s’il-vous-plaît. »

Je ne peux que sourire en entendant la commande de Zeru : un lion qui commande de la viande, on aura vu plus original. Après, c'est vrai que l'escalope m'a sournoisement fait de l’œil parmi tous les plats de la carte, mais comme j'ai déjà mangé mon quota de viande autorisé pour la semaine, elle était hors de question pour moi. Je vous jure, c'est triste parfois de suivre un régime.

Mais donc plutôt que de me perdre en pensées inutiles, je tends ma carte à notre aimable serveur avant de reporter mon attention sur mon cher et tendre.
Je veux simplement profiter de chaque petit instant pour l'observer sous tous ses angles, pour une fois que je l'ai rien que pour moi en milieu de semaine. D'habitude, nos vrais moments ensemble se limitent aux week-ends et se passent généralement chez moi, un peu en secret. C'est plutôt excitant comme vie, j'ai parfois l'impression qu'on est les deux personnages principaux d'une romance un peu aventureuse, mais j'avoue que j'avais vraiment hâte de simplement passer une soirée normale avec lui.

« Tu as des projets pour cette semaine ? Ton agence t’as proposé de nouveaux projets ? »

Je lève un peu la tête quand j'entends Zeru s'adresser à moi. Si sa première question me fait vraiment plaisir, j'avoue que la deuxième passe un peu moins bien : pourquoi faut-il toujours qu'on en vienne à parler de nos agences respectives ? Je conçois bien que nos métiers soient une part importante de notre vie, mais c'est bien la dernière chose dont j'ai envie de parler ce soir, mine de rien.
Mais je souris tout de même à son égard quand je prends la parole à mon tour, prête à lui donner une réponse à ce qu'il me demande.

« Mes parents m'avaient proposé quelques jours à la montagne pour fêter mon anniversaire, mais j'ai du travail par-dessus la tête jusqu'à dimanche soir. On a un défilé important qui arrive alors tout le monde est un peu sur les nerfs en ce moment, on n'a pas intérêt à faire le moindre pas de travers avant ça si on veut garder une place sur le podium. »

Bon d'accord, j'avoue : j'ai pas pu retenir un soupir après lui avoir dit ça.

Il n'y a vraiment rien que je déteste plus que les semaines qui précèdent des défilés à l'agence. Tout le monde donne l'impression de détester tout le monde, les mannequins sont tous d'une humeur de chien soit parce qu'ils n'ont pas intérêt à prendre le moindre gramme pour rentrer dans leurs vêtements, soit parce qu'on ne leur a pas proposé de faire partie de ceux qui iraient sur le podium. En bref, un véritable bonheur.
Depuis que je suis arrivée chez Gözəllik, je ne compte même plus le nombre de fois où j'ai dû défiler, un peu malgré moi. Je sais que certaines filles détestent le fait que je sois toujours prise sans même essayer mais si elles savaient, j'échangerais ma place avec elles très volontiers si on me le permettait. Le podium est juste un endroit bien trop stressant pour moi, j'ai toujours peur de faire un faux mouvement et de risquer d'abîmer mes ailes en ruinant la soirée pour tout le monde.

Enfin bon. Je n'ai définitivement pas envie de parler de ça avec Zeru, alors je ne tarde pas à faire réapparaître un sourire sur mes lèvres pour m'adresser à nouveau à lui, d'une voix tranquille.

« Mais bon, j'ai pas franchement envie de parler boulot ce soir. On n'a qu'une heure ensemble, tu veux vraiment la passer à parler défilés, shootings et problèmes de mannequins ? »

Même si j'essaye de ne pas le lui montrer, je suis un peu déçue, en fait.
Pas que je n'apprécie pas déjà assez ce petit moment en tête-à-tête, mais j'ai l'impression que Zeru me traite plus comme une collègue de travail que comme sa petite amie depuis qu'on est arrivés ici. Il devrait savoir que le soir de mon anniversaire, la dernière chose que j'ai envie de faire c'est bien de parler travail. Ça me donne l'impression qu'on ne se connaît pas du tout, qu'on est deux inconnus qu'on aurait mis devant une assiette pour un rendez-vous galant organisé.

Attention, je ne dis pas que je ne suis pas heureuse avec lui hein !
Je veux dire, depuis un peu plus de trois mois qu'on a commencé à sortir ensemble, je ne me suis jamais sentie aussi bien avec qui que ce soit. Cet homme a simplement tout pour lui, que ça soit son physique, son caractère ou même ses quelques petits défauts. J'ai appris à apprécier absolument chaque petite facette de sa personnalité, et rien ne me rend plus ravie que la perspective d'en apprendre encore plus avec le temps.

C'est simplement que quelque fois, je regrette un peu qu'on ne puisse pas être totalement nous-même lorsqu'on se voit en public. Parce que dans ces moments-là, j'ai l'impression que mon petit-ami est distant et désintéressé, alors que je sais parfaitement qu'il est tout le contraire.

Je vais retirer absolument tout ce que j'ai pu dire concernant ma déception que Zeru ait passé le début du repas à parler boulot, sachez-le.

Après que je lui ait fait remarquer que je n'avais pas envie de passer la soirée à converser autour de ce sujet, je dois dire que mon cher et tendre c'est très bien rattrapé. J'avoue qu'on n'a probablement pas eu les discussions les plus profondes du monde autour de nos plats respectifs une fois ceux-ci présentés devant nous, mais je dois dire que j'ai vraiment apprécié ce moment avec lui.
Bien entendu, comme on ne refait pas quelqu'un comme lui, il s'est senti obligé de me proposer de goûter à son plat. J'avoue qu'il avait l'air particulièrement délicieux et que j'en avais vraiment envie, mais le frisson qui m'a parcouru l'échine à l'idée que Terence puisse découvrir que j'avais mangé quelque chose d'aussi gras m'a rapidement dissuadé de le faire.
Je ne sais tout bonnement pas comment cet homme fait, mais il arrive toujours à savoir quand on s'écarte de nos régimes, c'est effrayant.

Mais donc nous voilà maintenant arrivés à la fin du repas.
Nos assiettes sont pratiquement vides - si on oublie quelques petits légumes laissés de côté par-ci par-là -, je suis arrivée au bout de mon eau minérale gazeuse et devant moi, Zeru vient de se pencher pour chercher quelque chose dans sa veste. Ou du moins c'est ce que je devine qu'il fait, tortillé sur sa chaise comme il l'est.
Je ne sais pas pourquoi mais quand il se redresse pour me regarder, je sens comme un malaise émaner de lui. Je vois que quelque chose le dérange parce qu'il a beau être calme face à moi, je sais tout de suite quand il ne me dit pas tout. Ça me fait un peu peur pour le coup, je dois l'avouer.

Heureusement - et franchement très étonnamment -, le voilà qui me tend un petit paquet rectangulaire, emballé avec soin.

« Je ne suis pas sûr que ce soit bien amené, j’ai sûrement mal compris. »

Waw.
Je ne sais pas où me mettre : je ne m'y attendais absolument pas.

Je ne cache donc pas ma surprise quand mes yeux se posent sur le cadeau qu'il me tend et lorsque je le prends de ses mains, je ne peux pas m'empêcher de réagir directement, rougissant au possible.

« Oh, mais je pensais que ce dîner était déjà mon cadeau ! Tu me gâtes vraiment trop, il ne fallait pas... »

Il me faut quelques secondes avant de songer à retirer le papier d'emballage du cadeau entre mes doigts. Pourquoi me demanderez-vous ? Tout simplement parce que je suis trop occupée à dresser dans ma tête une liste de tout ce que je vais bien pouvoir faire pour remercier Zeru comme il se doit pour cet anniversaire magnifique dans les semaines à venir.
Quand je vous disais qu'il était parfait, je ne sais plus quoi faire pour rester à son niveau : quel que soit le cadeau que ce papier cache, je sais pertinemment qu'il me plaira forcément.

Mais un jour il faut bien arrêter de se perdre dans sa béatitude et revenir un peu sur Terre, c'est pourquoi je m'applique doucement à découvrir ce que renferme le mystérieux cadeau de mon amoureux. Je ne déchire rien, j'enlève le scotch sans le moindre soucis et lorsqu'enfin l'emballage est totalement enlevé, j'ai dans les mains...
Oh non.

J'ai entre les mains le jeu que j'attendais depuis des mois.
Le jeu que j'ai acheté ce matin.

« Je ne sais pas quoi dire... »

J'avale ma salive tout en gardant un sourire qui vient essayer d'adoucir l'air de surprise sincère qui s'est glissé sur mon visage quand j'ai vu ce que son emballage cachait.

Je m'en veux tellement...
Pourquoi je lui ai dit que j'avais acheté le jeu plus tôt ?
Bien sûr qu'il allait me l'offrir, j'aurais dû le deviner. J'aurais pu me douter que s'il m'avait demandé s'il y avait des jeux qui m'intéressaient il y a quelques semaines c'était pour potentiellement m'en offrir un pour mon anniversaire ! Mais dans mon monde, le restaurant était déjà bien plus que ce que je n'aurais jamais osé demander pour fêter mes vingt ans, j'étais juste persuadée que c'était mon cadeau.

Je suis vraiment une cruche, j'arrive pas à le croire.

Mais il ne faut surtout pas que Zeru pense que je ne suis pas heureuse d'avoir reçu ça de sa part. Tout d'abord parce que c'est totalement faux - la preuve, j'en ai des papillons plein l'estomac tant je trouve son geste adorablement considéré pour moi -, mais aussi parce qu'il risquerait de s'en vouloir alors que c'est ma faute si je finis avec deux exemplaires de ce jeu.
Quelque chose que je pourrai arranger très rapidement, d'ailleurs.

Je ne laisse donc pas assez de temps s'écouler pour qu'il ne puisse avoir peur de la suite de ma réaction pour lui adresser un sourire rayonnant, alors que je tends ma main pour attraper doucement la sienne.

« Merci beaucoup, c'est parfait, t'avais pas besoin d'en faire autant. J'irai rendre ma version demain, j'avais pas encore ouvert le boîtier du jeu de toute façon. »

Bien sûr, je ne risque pas de faire ce contact se prolonger trop longtemps puisque nous sommes en public et retire donc ma main pour la ramener à moi, tandis que mon visage garde son sourire.

Je veux que Zeru comprenne à quel point je lui suis reconnaissante pour toute cette soirée. Je sais qu'on n'aura pas pu rester longtemps ensemble et qu'il s'en voudra certainement pour son choix de cadeau, mais il faut qu'il sache que pour moi, cet anniversaire n'aurait définitivement pas pu être plus réussi. Enfin... Pas à moins d'avoir droit à plus de sa compagnie avec moi, mais je sais que pour ce soir on ne devra se contenter que de cette petite heure passée.
Qu'à cela ne tienne, on aura toutes les occasions du monde de se voir un peu plus quand nos emplois du temps respectifs seront un peu moins chargés, pour qu'il puisse passer à nouveau un peu de temps chez moi.

Et zut. Ne vous fichez pas de moi mais maintenant je pense à la dernière fois qu'on a passé la nuit ensemble et je sais que mes joues sont devenues toutes rouges. Pas que ça me gêne d'y repenser, au contraire, mais que je crois que j'ai hâte qu'on repasse une vraie soirée en amoureux comme ça. Raaah.
Reprends-toi Caelan, allez. Zeru va te prendre pour une idiote sinon.

Je secoue légèrement la tête et adresse un nouveau sourire à mon petit ami parfait avant de capter le reflet de l'horloge murale dans son dos. Si j'en crois l'heure qu'elle affiche, il serait malheureusement temps pour nous de nous diriger bientôt vers la sortie du restaurant.
Un léger soupir s'échappe de mes lèvres avant que je ne pose à nouveau mon regard sur Zeru, m'adressant à lui avec douceur.

« Oh. Vu l'heure, j'imagine qu'on devrait commencer à songer à partir. »

J'avoue que ça me fait un peu de peine de devoir arrêter notre tête-à-tête comme ça mais comme moi, il doit certainement avoir d'autres plans pour sa fin de soirée. Et puis on ne doit pas oublier que le temps qu'il passe à l'extérieur lui est strictement compté : si je ne veux pas qu'il s'attire d'ennui en restant ici trop longtemps, il ferait mieux de rentrer à son agence d'ici peu.

xdfcgv:

Je sens la frustration de mon petit ami quand il se met à doucement hocher la tête face à moi, après que je lui ai rappelé l'heure qui commence à se faire tardive.

Est-ce que c'est mal que ça me réchauffe un peu le cœur de voir ça ? C'est sûrement mal de me complaire de quelque chose qui visiblement l'embête, mais je ne peux pas m'en empêcher. Parce que je ne peux pas m'empêcher d'être flattée, quelque part. Ça me montre que lui aussi voudrait passer plus de temps avec moi, qu'il apprécie ma compagnie autant que je savoure la sienne.

Je l'observe donc héler silencieusement le serveur un léger sourire aux lèvres, tout en m'essuyant les mains sur la serviette que j'avais gardé sur mes genoux jusqu'à maintenant. Lorsque le jeune homme vient nous rejoindre à table, je repose doucement la serviette devant moi et laisse Zeru s'occuper de payer l'addition, comme il m'avait fait promettre de le laisser faire lorsqu'on a organisé cette soirée. Si j'avais su pour son deuxième cadeau, je ne l'aurais définitivement pas laissé faire - ça vous pouvez me croire.
Une fois le repas payé, je me lève et jette soigneusement ma veste sur mes épaules sans l'enfiler avant qu'on ne se dirige tous deux tranquillement vers la sortie du restaurant.

Autant vous dire que même si le moteur de la voiture de mon petit ami qui démarre annonce la fin de notre petit rendez-vous amoureux pas si intime que ça, je n'arrive pas à perdre le large sourire qui orne mes lèvres depuis le début de la soirée. Je peux le dire : je suis heureuse. Zeru me rend heureuse. Je l'ai compris ce soir - si je ne le savais pas déjà avant -, mais je crois que je ne saurais pas quoi faire si un jour je devais le perdre.
Tout chez lui me plaît. Que ça soit ses petites bourdes occasionnelles qu'il n'aime pas admettre, son honnêteté transparente qui me donne l'impression que jamais il ne me mentirait ou la simple aura apaisante que sa présence à mes côtés peut avoir sur moi.
Je suis accro, et je n'ai aucune intention d'essayer d'arranger mon addiction.

Pendant le trajet menant au bar de mon frère, je crois qu'on n'a pratiquement pas arrêté de discuter. Rien de bien fou que je ne puisse partager pour votre intérêt, mais assez agréable pour que mon cœur se serre lorsque les pneus de la voiture crissent contre le sol, annonçant notre arrivée à destination.
Le Phoenix est tout proche, il est temps de se dire au revoir.

« J’y pense, mais au pire des cas, tu peux donner une des versions à ton ami s’il ne l’a pas déjà acheté. Je trouverai bien un moyen de me rattraper, crois-moi. »

Oh, bien sûr, j'avais presque oublié cette histoire de cadeau surprise.
Bien entendu que je me tourne vers lui pour hocher la tête d'approbation à sa proposition : je ne sais pas si Alexander n'aura pas déjà acheté le jeu - le connaissant, ça ne serait pas étonnant qu'il l'ait pré-commandé comme moi pour le retirer aujourd'hui - mais sait-on jamais, je ferai peut-être un heureux en lui offrant mon double.

On verra ça plus tard, j'imagine. Parce que pour le moment, je préfère me concentrer sur le bel homme qui vient de sortir de la voiture pour m'ouvrir la porte. Pas le temps de détacher ma ceinture qu'il est déjà là à faire son parfait gentleman : je ne sais vraiment plus quoi faire pour essayer d'être assez bien pour lui, je vous le dis. Alors je sors tout simplement, le remerciant amoureusement du regard.
Pendant un instant, il me regarde simplement sans un mot, me laissant admirer encore une fois à quel point il peut être beau comme un dieu. Puis il se penche vers moi doucement, déposant un bref baiser sur mes lèvres.
J'en frissonne de plaisir, les yeux fermés.

« Amuse-toi bien. »

J'ouvre les yeux et serre doucement ses mains, le regard plongé dans le sien.

« Merci, fais attention sur la route. »

Après ça, mon petit ami se détache silencieusement de moi pour se diriger vers la porte du côté conducteur de sa voiture et y entrer, alors que je repositionne mon trench sur mes épaules.
« Voilà donc notre belle soirée à deux qui se termine », c'est tout ce à quoi je pense lorsque j'observe le véhicule s'éloigner de moi.