Quand tout ne se passe pas comme prévu ft. [Oscar - Sekai]

Chassant la sueur qui perle sur mon front, je baisse la musique quelques instants pour boire un coup. L'entrainement d'aujourd'hui est presque terminé et notre choré pratiquement bouclée. Celle-ci, c'est moi qui l'ait inventé alors elle me tient un peu à cœur. J'ai même aidé la petite aveugle sans rechigner. J'oublie toujours son prénom mais qu'importe, ce qui compte c'est le résultat et elle se débrouille plutôt bien. Tant mieux, au moins son handicap ne la gêne pas tant que ça. Il me semble qu'elle est dans le contemporain, contrairement à moi qui suit plus dans le hip-hop, du coup, je veux bien découvrir ce qu'elle a à nous proposer. Ça peut enrichir mon inventaire de mouvement.

Tout le monde est épuisé, je le vois bien. De ce fait, je me permets de déclarer la séance terminée. Cela ne sert à rien de continuer dans cet état, qu'ils aillent se reposer, moi je vais travailler encore un peu. En plus, il commence à se faire tard, je me laisse donc jusqu'à 21h et ensuite, j'irai me coucher. Cela me paraît raisonnable. Rallumant la musique, je me place devant les miroirs tandis que les autres quittent la salle. Totalement dans ma bulle, je ne remarque pas tout de suite la nouvelle venue et m'arrête que lorsque j'entends la porte se verrouiller. Pourquoi se ferme-t-elle ? Je suis encore dedans.

Mes yeux se posent alors sur elle et mon cœur s'arrête un instant de battre. Sekai. Que fait-elle là ? Je ne lui ai pas parlé depuis notre séparation, soit il y a de ça 6 mois. J'ai toujours les chaussures qu'elle m'a lancé à la figure dans ma chambre, je lui rendrais un jour, peut-être. Elle n'a pas vraiment changé. Très certainement qu'elle a mûrie. Je me suis comporté un peu comme un salaud avec elle, ça a surement dû la chambouler et la faire grandir. D'un autre côté, je lui ai jamais dit mais je n'ai pas arrêté de la protéger. Celui qui lui glissait des barres de céréales dans son casier pour ne pas qu'elle ait faim ou encore celui qui allait voir par la suite ceux qui l'avaient importuné, c'était moi. Toujours moi. Je ne pouvais pas la laisser seule sans défense. Ca aurait été trop cruel.

"Sekai ? Qu'est-ce que tu fais là ?" Le sourcil arqué, j'essaie de faire comme si rien ne me touchait, comme si il n'y avait jamais eu quelque chose entre nous.

Je ne sais pas si ça fait ça à tout le monde mais quand je la vois, comme ça, mon cœur se chamboule un peu. Après ma séparation avec Luna ça n'avait pas fait pas. On ne s'était même pas quitté de manière brutale. Juste, on savait tous les deux que ça devait être fini. Là c'est différent. J'ai forcé notre rupture et il paraît qu'elle m'en veut toujours. "H-Hey..." Elle se retourne un peu mal-à-l'aise. Je lève la main pour la saluer, le sourcil toujours arqué d'incompréhension. Cela fait 6 mois qu'on s'évite, pourquoi vient-elle d'un coup ? Surtout qu'elle n'a absolument pas l'air heureuse de me voir.

"Hm... Une amie m'a demandé de te laisser une seconde chance d'où le fait que l'on soit coincé ici..." Je hausse encore plus les sourcils. Qui sont donc ses amis pour trouver des idées aussi farfelues ? Pourquoi nous enfermer est-il, selon eux, une solution ? La dernière fois qu'on était ensemble, elle m'a lancé ses chaussures dans la tête. C'est dangereux pour moi. "Tu n'as pas un double des clés ?" En soupirant, je me permets de secouer la tête avant de me diriger vers le poste pour l'éteindre. On ne s'entend pratiquement plus. "Si je puis me permettre, tes amis sont idiots." Nous enfermer ensemble ne changera rien au passé. Ça va juste lui retourner le couteau dans la plaie et moi, me faire chier. J'ai pas encore envie de faire de la peine à Elias.

"Et non, je les ai pas. Fallait que j'aille voir les pions pour qu'ils ferment." J'attrape ma bouteille d'eau pour boire quelques gorgées avant de la reposer sur la table. Qu'est-ce qu'on est censé faire dans ces moments là ? J'ai pas mon téléphone, du coup je ne peux appeler personne. Mais d'un côté, elle me manque un peu. Discuter avec elle ne serait peut-être pas de refus. Je soupire de nouveau en passant une main dans mes cheveux pour chasser la sueur et les recoiffer. "Du coup on fait quoi ? On attend que ta pote se décide à nous libérer ?"

Toujours debout, à l'observer, j'ai envie de soupirer. 6 mois, ça passe vite mais on perd beaucoup de choses. J'ai presque réussi à oublier à quel point Sekai pouvait être mignonne, c'est dire. "Je ne te permets pas de dire ça de mes amis !" Sa mine renfrognée me donnerait presque envie de pincer ses joues. Mais d'un côté, je n'ai pas tord. C'est pas Astalée qui aurait cette idée, loin de là. Il sait que ça ne servirait pas à grand chose et que ce n'est pas une bonne technique pour nous rabibocher. Elle tente de nouveau d'ouvrir la porte, sans succès. Ce n'est pas étonnant, ses potes veulent nous voir ressortir main dans la main, ils vont pas nous laisser seulement 5 petites minutes.

"Je suppose qu'il n'y a aucune autre sortie à part celle-ci ?" Je secoue négativement la tête ; non cette pièce n'ayant pas été conçue pour qu'on enferme quelqu'un dedans, il n'y avait pas vraiment d'autres issues. Du moins, je ne les connais pas. La laissant s'occuper de joindre quelqu'un, je viens m'assoir contre un mur de la salle en soupirant. "Il ne nous reste plus qu'à attendre..." De nouveau, je hoche la tête et lui adresse un petit sourire de réconfort. Ma main vient tapoter le sol non loin de moi pour lui signaler de s'approcher. "Viens là. Ça ne sert à rien de rester planter comme un piquet."

Je croise les jambes en lotus et m'appuie pleinement contre le mur. Nous voilà donc ensemble. De quoi pouvons-nous bien parler. De ce qu'on est devenu ? À mon avis pas grand chose et on est tous les deux suffisamment populaire pour savoir ce que l'autre vit. Elle doit savoir que je ne suis pas ressorti avec quelqu'un d'autre après elle. "Tes chaussures, ce soir-là... Rappelle moi de te les rendre. Elles sont dans ma chambre." Maintenant que je suis tout seul dedans en plus, je ne fais que ruminer des idées noires. Vivement que des Processus viennent, que j'arrête de faire des allers-retours entre ma chambre et celle de mon frère.

Quand je l'observe, je peux voir à quel point elle est gênée. Elle tire sur sa robe pourtant jolie, lisse des plis imaginaires et fait tout pour éviter mon regard. Pas de doute, je la mets mal-à-l'aise. En même temps, à quoi s'attendre après ce qu'il s'est passé entre nous. Nous sommes sortis quelques mois ensemble et je l'ai largué le jour du réveillon. En embrassant quelqu'un d'autre. De plus, mes contacts m'ont appris que le jour même elle a perdu son père. Quel salaud je fais. C'est pas pour autant que je m'en excuserais, bien évidement. J'ai quelques regrets de lui avoir fait tant de peine mais c'est juste parce que j'y suis un peu attachée. Sinon, il est certain que j'ai fait ce qui devait être fait. Au moins, elle me déteste pleinement et n'essayera pas de se remettre avec moi. Ce dont je la remercie car j'aurai beaucoup de mal à lui résister.

"Hm... J'y penserais." Sa voix n'a pas vraiment l'engouement qu'on pourrait penser. La petite Sekai a dû bien grandir pour devenir aussi posée. Pourtant, ce petit côté avait quelque chose de mignon. Comme si elle ne pouvait jamais se poser. Je soupire, me remémorant tous les souvenirs que nous avons partagés. Des moments de couple à faire se pâmer des foules entières, on en a eu, et même beaucoup. À dire vrai, j'ai entendu un nombre incalculable de rumeurs nous jalousant. Nous étions un peu le couple à la mode. Mieux que Shane et Mio quand ils étaient ensembles. Shane. Ça me fait penser que je n'ai pas trop été le chercher ces temps-ci. Faudrait que j'y pense. C'est pas parce que le mec est marié et père de deux enfants qu'il est obligé d'être respecté. Pour moi, il restera toujours le petit délégué fragile.

"Hm... Au fait, merci pour la boite à musique dans mon casier." Revenant à mes pensées, je rougis un peu de mettre totalement laissé aller. Je ne devrais pas être autant dans la lune en sa présence. En la présence de personne d'ailleurs. Je hausse légèrement les sourcils et secoue la tête doucement. "Oh c'est rien. C'était ton cadeau de Noël après tout." Cadeau que j'ai bien gâché après avec tous mes actes. Ne sachant pas vraiment quoi dire, je passe une main dans mes cheveux en soupirant. "De quoi devrions-nous parler à ton avis ?" Si l'atmosphère reste aussi tendue tout le temps où nous sommes ensemble, je vais finir par me tirer une balle.

Une mèche de cheveux tombe devant ses yeux. Elle s'est échappée de son chignon fait à la hâte et désormais, elle fait loucher sa propriétaire. C'est mignon quand même, la façon dont Sekai plonge dans ses pensées. Comme je la connais, elle doit réfléchir à des tonnes de choses en même temps, pour chercher vainement de quoi parler. Si adorable. Je voudrais replacer cette mèche derrière son oreille, je m'apprête même à tendre la main pour le faire, mais elle me coupe dans mon élan. La rangeant, elle m'adresse la parole. Va-t'elle me donner une réponse ? "Ça va sûrement te paraître étrange, mais... Je n'en ai aucune idée et pourtant l'Unique sait à quel point je suis bavarde."

Je hausse un sourcil et esquisse un sourcil. Sekai Yoki, ne pas savoir quoi dire ? Ça m'en ferait presque rire. Ce n'est absolument pas quelqu'un avec ce profil là. Même dans les situations les plus désespérées ou gênantes, elle arrive toujours à trouver quelque chose. Je la troublerais tant que ça ? Après tout ce temps ? "Tu as bien réussi tes examens ? Avec la chaleur c'était tellement difficile, je ne sais pas toi mais de mon côté j'ai dû vider au moins un litre en même pas une heure !" Et bien, au final, elle aura réussi à trouver. Je lui adresse un petit sourire presque moqueur mais elle ne le remarque pas. Pourquoi ne me regarde-t-elle pas ? Si elle m'en voulait encore, elle m'aurait déjà frappé je pense. Du coup c'est quoi ? Elle est encore amoureuse ? Après ce que je lui ai fait ?

"Hum. J'ai réussi. Je passe en 3ème année sans problème. Et toi ?" Ma réponse est faite en haussant les épaules. Ce n'est pas vraiment un exploit pour ma part. Je reste plutôt bon élève, voire très bon, il n'y avait pas à prier l'Unique pour ma réussite. Pas comme certains. Je soupire un grand coup et jette un œil à Sekai. Toujours autant gênée à ce que je vois. J'écoute sa réponse à ma question avant de renchérir sur autre chose. "Dis moi, j'ai cru comprendre que Miranda est devenue ta tutrice légale. Ça se passe bien avec elle et son mec psychopathe ?" Notre professeur principal est actuellement en couple avec le prof de sport Mr Avery qui est juste infernal. Honnêtement, je ne sais pas comment ils font pour vivre ensemble. Même si elle a un caractère assez fort, Miranda reste quelqu'un de relativement accessible je trouve. Le démon du terrain je ne peux que l'imaginer comme en cours : sévère et froid. Songer à autre chose est impensable. En soupirant, je m'étire comme je peux et, lorsque je reprends ma position première, je heurte sans faire exprès la jambe de Sekai. "Oh... Pardon, j'suis désolé."

De nouveau, elle repart dans ses pensées. Cette fille ne fait que ça, jamais elle n’arrive à se poser et rester concentrée cinq minutes. Il faut qu’elle parte sur la Lune puis sur Mars en faisant un détour par Jupiter, avant de revenir à notre conversation. Au début je trouvais ça agaçant. À la fin, c’était juste mignon. « Tout ce passe très bien, je suis contente qu’elle soit devenue ma tutrice. » Et voilà, ça ne m’étonne même pas. Au niveau des élèves, Miranda fait très gentille. Seuls ceux qui glandent dans ses cours sont punis. Sinon, elle est toujours là pour aider qui que ce soit. C’est l’ange gardien des Processus si je puis me permettre. « C’est vrai qu’elle ne remplacera jamais mes parents biologiques mais je l’aime énormément, genre vraiment beaucoup beaucoup ! » La fin de sa phrase se perd un peu dans les limbes de je-ne-sais-quoi. Le sourcil arqué, je l’observe du coin de l’œil. Ses parents biologiques doivent beaucoup lui manquer tout de même. Miranda peut faire beaucoup de choses, mais jamais elle ne pourra enlever la peine de Sekai par rapport à ses parents.

Lorsque je m’excuse de l’avoir cognée, elle tourne vers moi un visage baigné de larmes. Arg, ça fait vaciller mon cœur comme jamais ça. Quand elle est ainsi, j’ai juste envie de la serrer contre moi, de la rassurer et de l’embrasser jusqu’à ce qu’elle oublie sa peine. Hélas, nous ne sommes plus ensemble, mon cœur devrait arrêter de battre plus vite lorsque je suis tout prêt d’elle. Vraiment, je ne peux me permettre de revenir vers elle, je n’ai pas le droit. Cela finira par refaire de la peine à tout le monde. À commencer par elle et Elias. « C’est-C’est rien ! Je ne t’avais même pas senti ! » Je hoche la tête, évitant de la regarder. Sa petite bouille toute humide, j’en peux plus, ma poitrine m’en fait mal quand je la vois dans cet état.

« Comment va Elias d’ailleurs ? » Elias. Elle arrive à me demander de ses nouvelles alors qu’elle sait pertinemment qu’il ne l’aime pas. Qu’il est un peu la cause principale de notre rupture. Sekai est si pure, si gentille, ça m’en ferait presque mal. J’esquisse une grimace avant de hausser les épaules. Elias est Elias après tout. « Il va bien. Comme toujours quoi. Il passe en classe supérieure sans problème. Il est toujours autant désagréable envers la gente féminine. Toujours égal à lui-même quoi. » Je lui adresse un petit sourire désolé. Nous ne devrions pas parler de lui. Non pas que je ne l’aime pas, bien au contraire, c’est tout de même mon frère. Juste qu’il n’est pas le meilleur sujet de conversation entre Sekai et moi.

Je le lève et arpente la pièce de long en large pour finir par tenter d’ouvrir la porte. Verrouillée. Encore. Je soupire et repars m’asseoir à ses cotés. « Je suppose que tes potes ne se sont toujours pas décidés à nous libérer... » Je passe une main dans mes cheveux avant de garder la tête en bas. Là, à moitié en boule, je soupire de nouveau. « J-Je… Je suis désolé pour ce qu’il s’est passé au bal. C’était pas une bonne manière de rompre. » C’était, hélas, la seule qui pouvait nous permettre de nous détacher à jamais. Je ne suis pas certain – si j’avais usé d’une autre méthode – que nous n’aurions pas fini par nous retrouver. Après tout, je ne sais pas pour elle, mais je l’aime toujours. Je relève la tête, un petit sourire quasiment rictus aux lèvres. « Mais ce qui est fait est fait. Alors je suppose que des excuses maintenant ne servent à rien. » Rien n’enlèvera sa peine et rien ne changera au fait qu’elle m’a balancée des chaussures dessus.