Sujet: Lâcher prise [SOLO] Ven 3 Mar - 15:10 | |
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Cela pourrait paraître curieux à l'oreille attentive, mais Sharif voudrait vivre.
En effet. Sharif aime la vie, bien qu'elle ne lui ait pas toujours présenté son plus joli profil. Sharif aime regarder les gens marcher, il aime les sentir, là, tout pleins de vie, qui bafouillent et qui trébuchent ; il aime la vie dans son imperfection, il aime la vie comme elle est.
Sharif aime le vent, la pluie, le soleil. Sharif savoure comme personne la joie de pouvoir aller où il veut quand il le veut. S'il aime la vie, il adore la liberté. Mais ce n'est pas tout : il adore aussi des choses plus bêtes que cela, comme un sourire ou bien l'odeur de la terre, humide au matin. Car pour mieux aimer chaque jour, Sharif le cueille à sa naissance. C'est beau, le ciel bleu, rose, et gris, l'aube qui s'éclaire.
Mieux encore, Sharif ne se serait jamais lassé de ces baignades dans la rivière. Il y a même rencontré un ami, une fois. Ah, et si l'on parlait des rencontres ! Ses instincts n'ont jamais réussi à l'y faire renoncer. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, car ils lui mènent la vie dure. Il refuse pourtant de la trouver laide. Parce qu'elle est belle, la vie, quand on y regarde d'un peu plus près. Parce qu'elle est un miroir, et que quand on lui sourit, elle finit toujours par sourire aussi.
Sharif a fait de son mieux pour sourire à la vie. Il lui a fait cadeau de tout son optimisme, et il a appris à l'aimer comme elle est. L'entreprise ne fut pas des plus simples, ainsi soit-il ; il en est ressorti plus fort, et surtout plus heureux. On peut dire, en un sens, que Sharif est heureux. Sharif prend les choses comme elles viennent et il s'adapte. Il ne croit pas qu'on puisse tordre le destin et le façonner à sa guise. S'il devait avoir un équivalent physique, il dirait que c'est une branche. Si l'on se place bien, elle ne se cassera pas. Il ne faut pas forcer, pas mettre trop de poids dessus. Il faut un peu de temps, et de la volonté, pour y trouver son équilibre. Puis, quand on l'a bien pris, son temps, on peut passer à la branche supérieure ; on a grandi. On voit les choses de plus haut, et il lui semble que plus il escalade, plus, en bas, c'est beau.
- Bonsoir, monsieur ! Vous pourriez m'indiquer le commissariat le plus proche, s'il vous plait ?
Sharif aime la vie. Sharif aime les gens. Parmi la vie et les gens, il a une personne que Sharif aime en particulier. Une personne qu'on a rangé dans une grande boîte, qu'on a elle-même rangée six pieds sous terre. Ce qu'il faisait froid, ce jour-là. Pourtant, Sharif ne s'en est pas plaint, parce qu'il adore porter des écharpes. Il ne se plaint pas de grand-chose, vu qu'il ne trouve pas souvent de quoi.
- Merci, Monsieur. Passez une bonne soirée.
Il y a pourtant une chose que Sharif a toujours maudit, dans sa magnifique existence.
- Oui, oui, vous me connaissez. Je viens pour signaler un meurtre, dans le Quartier Nord.
Il a voulu s'accorder un peu de bonheur, après toutes ces années.
- Je suis cuit, cette fois-ci, non ?
L'agent de police, face à lui, hoche la tête. Et Sharif sourit. Ce n'est pas faute d'avoir essayé.
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