Laissez moi vivre dans mes rêves. [Fin]

Je suis née en 2000, un chiffre tout rond. Pendant une semaine, je suis restée une fille sans prénom. Mes parents ont vraiment eu du mal à choisir comment m'appeler. Les connaissant, ils n'auraient jamais décidé seuls. Je me demande comment ils ont fait pour former un couple, ils sont totalement opposés l'un de l'autre. Mais finalement, c'est mon grand frère qui a tranché pour les deux. Il a décidé de m'appeler Lenalee. Il s'appelle Koji.

J'aimerais bien, vous parler de lui, mais je n'ai jamais vraiment eu la chance de le connaître. Alors que j'avais à peine 1 an et demi, il mourut foudroyé. Cette mort marqua tout mon entourage. Vous imaginez la probabilité pour qu'un tel événement arrive ? Je crois bien qu'il était vraiment malchanceux. Quand j'ai commencé à parler, j'ai posé de nombreuses questions sur lui. ‘Qui est cet enfant sur toutes ces photos ?’‘Pourquoi il y a une chambre vide ?’‘Pourquoi maman pleure quand je lui demande ça ?’‘Tu crois qu'un jour, il reviendra ?’ Ma mère faisait comme s'il n'avait jamais existé, mais au bout d'un moment, elle finit par craquer. Mon père essaya de me faire comprendre subtilement qu'il était parti loin, comme on me racontait dans un de mes vieux contes.

À mes 5 ans, mes parents vidèrent la chambre de mon grand frère. Je me souviens de ce jour-là. J'en ai profité pour piquer une pierre, c'était un œil de tigre. Je l'ai toujours sur moi maintenant. Il est mon porte-bonheur et, aussi, le souvenir de mon frère. Il adorait toutes les pierres précieuses. S'ils avaient décidé de vider sa chambre, c'était pour accueillir une jeune fille.
 Ils avaient décidé de devenir une famille d'accueil, et d'adopter cette fille. Ils disaient qu'elle allait être ma grande sœur. Mes parents s'étaient sûrement dit qu'elle allait combler le vide dans la famille. Mais j'ai souvenir qu'elle était une enfant plutôt particulière et n'était pas très joueuse. Mais, dans un sens, me dire que c'était ma grande sœur, ça me rendait heureuse. Mais c'était avant qu'elle finisse par me brûler le coté droit de mon corps. Je ne me souviens plus très bien ce qu'il s'était passé. Je crois que ma mémoire sélective a effacé le plus de souvenirs possible de ce jour-là.

Je finis donc à l’hôpital, le lieu de travail de mes parents. Pendant ces quelques mois, je vis ma mère aussi attentive pour moi que jamais. Elle me demandait tout, elle voulait savoir ce que j'avais mangé, si j'avais bien dormi ou même si j'avais été aux toilettes. À un point où elle en négligeait son travail. J’ai souvenir qu'un jour, elle supplia au docteur de rester avec moi. Elle finissait par être envahissante. Tout ce que je voulais, c'était un peu de repos...

Quand je revins, cette chambre était à nouveau vide. Ils ne l’avaient évidemment pas gardée. Depuis ce jour, je déteste cette grande sœur. Mais maintenant après plusieurs années, je pense qu'au fond de moi, je l'aime encore un peu. C’est pour ça que je ne vous dis pas son nom. Je ne veux pas que vous la détestiez. Ma vie a donc repris , cependant les professeurs me firent redoubler pour cette année désastreuse. Je n'avais plus l'envie d'apprendre. Tous mes camarades de classe avaient bien changé de comportement. La plupart ne voulaient plus entendre parler de moi. Quelques fois, il m’arrivait, sans faire exprès, de montrer ma main droite. Les gens me faisaient un regardaient de malaise, c'était insupportable. Chaque fois qu'une personne voyait ces brûlures, elle ne pouvait s'empêcher de montrer une expression de dégoût. Je n'en pouvais plus de ce genre de choses, j'ai décidé de m'isoler le plus possible de tout monde. 

Je changeais de main directrice et je décidais de mettre des bandages que je volais à mon père pour cacher toutes ces brûlures. Je demandais même à ma mère De me laisser pousser les cheveux pour camoufler ce visage entièrement. Mais elle refusa sans hésiter, je dus me contenter d'une frange. Ces années, je les avais passé seule. 
En vivant dans de telles conditions, il n'y avait qu'un moyen pour moi de m'en sortir : les rêves. Pendant tous les cours, j'avais ma tête dans les rêves. Ce rêve de partir loin, dans une nouvelle vie, là où on m'accepterait. Où les gens m'aimeraient, et où je trouverais le personne que j'aimerais Mais j’ai finissais par me remettre à niveau. Et c'est au moment ou je mettais remise au travail, que j'avais aussi découvert mon nouveau pouvoir.


Une nouvelle vie commença en tant que nymphe de lumière, le collège s'ouvrit également à moi. Toujours ma tête dans les rêves, je ne voulais voir personne au collège. Je m’amusais bien plus avec une gomme et un stylo qu’avec eux. De toute façon personne ne voulais s’approcher de moi. Je croyais être une vraie asociale. Mais le soir, après les cours, je me rendais à l’hôpital. Ma mère m’avait imposé de venir à la maison. Mais je refusais, je n’avais en aucun cas l'envie. Depuis toutes ces histoires, elle était devenue encore plus vigilante. Un jour, elle avait même appelé la police car j'étais partis à l’hôpital… Elle n’arrivait plus à garder le calme sous la pression qu’elle se mettait toute seule. Ma mère n’était plus considérée apte pour s’occuper des patients.  Elle avait fini par rester à la maison.

Je n’avais plus l’envie de voir ma mère. Elle me faisait tellement stresser. Mon père avait réussi à la convaincre de me laisser tranquille. Mon père m’apprenait également à utiliser mon pouvoir, il savait étrangement bien comment il fonctionnait. Peut-être que mon frère possédait le même genre de pouvoir ? Mon père ne voulait pas me répondre. C’était aussi une Nymphe, mais lui manipulait l’air et non la lumière. Je suis sûre que ce n’était pas sa première fois. En tout cas, je me sentais mieux avec lui.

Parfois, je discutais avec ses patients, ils étaient gentils. Je leur parlais de ma vie à l’école, bien qu’elle n'était pas intéressante. Et puis des fois, ils me parlaient d’eux, de leurs bonheurs tout comme de leurs malheurs. Le premier avec qui j’ai commencé à parler était Flynn. C’était un jeune homme âgé de 17 ans. Il avait reçu un volant de badminton dans l’œil . Le pauvre était en panique de perdre la vue. Mais je parvins à le rassurer de mon mieux. Il m’avait parlé du lycée Xényla, il m’avait vendu du rêve. Heureusement pour lui, il ne finit pas borgne. 
Depuis ce jour j’ai rencontré plein de nouvelles personnes. Comme Béatrice qui était une fermière, elle avait eu une rupture des ligaments croisés. Elle avait peur, car c’était sa toute première fois. Il y a aussi eu Rachel, une vieille dame que j'aidais à calmer. Elle était très douée pour me faire rougir en me flattant. Elle me parlait aussi souvent de son petit-fils. Il y a eu Stanley qui venait régulièrement pour voir si sa pneumonie s’était calmée. Je l’avais quelques fois soutenu pendant ses crises. Je pourrais parler de ces gens-là pendant des lustres.

Petit à petit, j’ai appris à manipuler la lumière. J’ai commencé à apprendre les bienfaits de mon pouvoir. Il avait pour effet d’améliorer le moral des gens. Mais il pouvait aussi avoir un effet néfaste, comme la maladie de la peau ou dérégler l’horloge interne. Donc je me m'étais donnée quelques règles pour son utilisation : 
- J’utilisais mon pouvoir si possible dans la journée.
- Je posais mes mains sur leurs cheveux pour les soigner, de cette manière la peau étais protégée. 

Améliorer le moral des gens est important, car il a des répercussions sur la santé. J’ai remarqué que mon pouvoir est plus puissant en journée. Pendant la nuit ou un lieu sombre, je suis beaucoup plus limitée. Je me fatigue plutôt facilement. 
Et ce pouvoir n’est pas parfait. J’ai constaté que je perdais la notion des couleurs. Des fois, je ne vois plus le rouge, le jaune ou encore le bleu. Même des fois les trois en même temps ! J'ai déjà vu le monde en noir et blanc. Il ne faut pas que j’abuse de ce pouvoir. Il influe sur ma propre santé, mais aussi sur mon caractère. Je peux devenir quelques fois plutôt irritable si je ne fais pas de pause. C'est comme si je leur donnais ma bonne humeur quand j'utilisais ce pouvoir. C’est étrange…

Évidemment, mon pouvoir a fait écho, et je me suis fait connaître. Beaucoup trop à mon goût même. J’ai particulièrement attiré l’attention des Gemini. C’est le clan se spécialisant sur la médecine. C’est le corps médical de l’île. Alors vous imaginez ma surprise quand ils ont dit qu’ils voulaient me voir. Ils m’ont proposé de rejoindre leur école. Mais je n’ai pas accepté, j’avais peur de devenir comme ma mère… Je ne pouvais pas en faire mon métier. Peut-être ai-je fait une erreur ? Peut-être. Mais ils ont dit que je pouvais toujours changer d'avis. Mais plus le temps avance et plus la volonté de sauver des gens s’efface. Mon corps me dit « non ». Je ne vois plus les couleurs depuis longtemps.

Et vous savez, mon pouvoir n’est pas parfait… De nombreuses personnes sont mortes malgré mes soins. Mais je n’ai pas envie d’en parler. J’ai bien le droit de garder mes propres secrets ? Enfin, c’est un secret mal gardé… Tout l’hôpital est au courant… Combien ai-je vu de personnes mortes sur ces lits blancs ? Combien de fois ai-je pleuré pour ça ? Je ne sais plus… Le nombre de fois n’est pas important. Je n’aime pas prendre la mort des gens comme des statistiques.

Maintenant que je suis au lycée, je n’irai plus à l’hôpital. J’aimerais récupérer ma vue. Je veux revoir ce monde coloré. Je ne peux plus supporter la pression, l’ambiance de l’hôpital. Mon corps doit se reposer. J’ai besoin d’air. Maintenant me voilà au lycée Xényla, c’est celui que j’avais pris, car c’était celui dont m’avait tant parlé Flynn. Je sais que je ne le verrai pas, il a malheureusement fini son année. J’espère avoir la même chance que lui. J’ai décidé de rejoindre la classe Évasion, car je trouve que ce mot me représente le mieux. 

Ça fait maintenant 4 mois que je suis dans ce lycée. J’aime beaucoup plus les cours qu’avant. Il est moins classique et ennuyeux que les autres lycées. Cependant pour me faire des amis, c'est plutôt... compliqué.... Quand on a été une asociale toute sa vie à l’école, difficile de devenir l'opposé. C’est pour ça que j’ai tenté le club de théâtre, je veux apprendre à prendre confiance en moi. Mais je vous avoue que ce n’est pas évident.