Tasses de thé et macarons. [ft. Ivnir Lègwajïg]

Chronologie importante:

Jeudi après-midi, quelques minutes après la sonnerie de dix-sept heures, Kristal se dirigeait tranquillement vers la salle des professeurs, les bras chargés d'une boîte métallique. Un morne hiver s'installait doucement sur l'île et le visage de la jeune femme était bien loin de briller d'un sourire radieux, mais elle était tout de même relativement de bonne humeur.

Depuis quelques semaines, un nouveau professeur d'Histoire était arrivé au lycée et après quelques échanges entre lui et Jun en salle des professeurs, il avait fini par prendre parti aux petites réunion thé des deux amis de façon relativement ponctuelle. Ivnir était calme, toujours d'une gentillesse incroyable, et il était parfaitement impossible de ne pas avoir envie de sourire lorsqu'il se mettait à parler.
Ce jour-là, ça n'était que lui que le médecin allait rejoindre pour boire quelques tasses de thé, accompagnées d'une petite surprise pour lui. En effet, le petit professeur de Littérature qui se joignait généralement à eux pour leurs petites réunion de thé avait terminé sa journée depuis longtemps, n'ayant pas le moindre cours l'après-midi. En y réfléchissant bien, Kristal remarqua même qu'elle allait ainsi n'être qu'en compagnie d'Ivnir pour la toute première fois.
Cette pensée lui arracha un léger sourire : sa journée promettait donc de se terminer sur une note aussi sucrée que les friandises qu'ils allaient manger.

Au fil des semaines, les trois collègues avaient pris pour habitude de toujours apporter chacun un nouveau type de thé, généralement accompagné de petits gâteaux en tous genres. Mais cette fois-ci, Kristal avait proposé quelque chose de nouveau à son collègue, sachant qu'ils ne seraient que deux pour cette petite réunion : Ivnir apporterait le thé de son choix, tandis qu'elle s'occuperait de faire des macarons pour l'accompagner.

La jeune femme s'était bien gardé de dévoiler ses talents en matière de pâtisseries jusqu'à présent, trop occupée par son travail au lycée combiné à celui de sa clinique, mais elle avait décidé que pour une fois, elle allait prendre le temps de remettre la main à la pâte.
Ainsi, la boîte qu'elle portait dans ses bras contenait une quantité raisonnable de macarons de toutes les couleurs. Un peu rouillée, elle espérait qu'ils seraient au goût de son collègue, mais gardait toutefois une certaine confiance en ses talents culinaires - ou du moins, ses talents pâtissiers.

Arrivée face à la porte de la salle des professeurs, Kristal entra tranquillement, cherchant son camarade de thé des yeux. Ne le voyant nulle part, elle en déduisit qu'il n'avait pas encore réussi à traverser le flot des élèves de fin de journée et décida de s'installer sur l'une des tables de la pièce, posant sa boîte devant elle.
Patiente, elle se dirigea déjà vers la bouilloire située dans le fond de la pièce pour la remplir. Si son collègue n'était pas encore là, autant en profiter pour gagner un peu de temps et faire en sorte qu'ils n'aient qu'à faire infuser le thé une fois qu'il arriverait. Elle se permit même de déjà mettre en place la théière ainsi que deux tasses accompagnées de leurs coupelles, sachant pertinemment qu'ils étaient de toute façon les seuls à les utiliser.

Lorsque le clic caractéristique de la bouilloire se fit entendre derrière elle, le médecin put voir en même temps la porte de la salle s'ouvrir.

- Ivnir, tu arrives juste à temps, installe-toi j'arrive !

Kristal avait adressé à son collègue son plus sincère sourire, avant de se tourner vers l'endroit où l'attendait la bouilloire. Elle parcourut ensuite rapidement l'aller-retour entre celle-ci et leur table, pour remplir la théière d'eau chaude avant de s'installer face à Ivnir.
Après avoir soigneusement remonté les manches de son gros pull gris pour éviter qu'elles ne retombent trop dangereusement vers sa tasse, elle posa ensuite se coudes sur la table, les mains jointes devant son visage.

- Alors, tu as passé une bonne journée ?

Le professeur d'Histoire ne lui avait encore jamais répondu le contraire, mais elle posait tout de même la question, au cas où.

Tout à fait serein, je m'attelle à effacer mon tableau. Encore une fois, j'ai beaucoup écrit. Mais avec les petits élèves de la classe grise, il est complexe de savoir si ils notent ce que je dicte ou pas, alors je préfère m'en assurer en affichant les grandes pensées cachées derrières mes phrases. Je salue les derniers retardataires qui se pressent de rejoindre leur club et termine ma tâche. Maintenant, je dois me hâter de retrouver ma collègue Kristal. J'aime beaucoup cette jeune femme, très renfermée mais avec un cœur en or. Depuis quelques temps, avec son ami Jun, nous dégustons de petits gâteaux avec du thé. C'est unique et j'apprécie de me lier ainsi avec d'autres personnes. Èdward les aurait beaucoup aimé. De plus, je connais Jun car il était en première année quand j'étais encore à Xényla. Il venait à nos cours avec Mr Perault.

La traversée du couloir se révèle être un vrai danger pour ma personne. Tout le monde bouscule, sans aucun égard pour un simple professeur d'histoire. C'est au bout d'un certain temps que je franchis enfin, la porte du refuge : la salle des professeurs.

- Ivnir, tu arrives juste à temps, installe-toi j'arrive !

Tout sourire, j'ôte mon manteau et dévoile un pull mauve que m'avait tricoté Èdward pour notre premier hiver. Il est merveilleux. J'attrape en vitesse la boite de thé que j'ai rapporté avant de me poser sur une chaise. Que j'ai hâte de découvrir deux arômes parfaits se mélanger sur mes papilles.

- Alors, tu as passé une bonne journée ?

Tout en préparant la boule à thé, je souris en me repensant à cette journée. C'est ma plus complète dans la semaine mais je ne m'en plains pas.

- Parfaite ! Les enfants sont toujours mignons et même si l'attention n'est pas toujours présente, ils restent très gentils avec moi. Je les en remercie.

Lorsque tout est prêt, je fais tomber la boule dans la théière en oubliant pas de l'accrocher dur le rebord. Aujourd'hui, c'est du thé vert avec du citron, de la menthe, quelques épices et de la verveine. Cela nous détendra.

- Et toi ? Pas trop de travail j'espère ?

Kristal observa posément son collègue préparer la boule à thé, attendant sa réponse. C'était bien parfois, de prendre son temps, et elle le redécouvrait à chaque fois qu'elle était en compagnie d'Ivnir. Quelque chose en lui lui rappelait même parfois Zhu, dans sa façon de propager la bonne humeur autour lui sans même s'en rendre compte.
Son collègue finit d'effectuer ses quelques manipulations pour relever les yeux vers elle et s'apprêta à prendre la parole, répondant déjà à sa question par le sourire qu'il affichait..

- Parfaite ! Les enfants sont toujours mignons et même si l'attention n'est pas toujours présente, ils restent très gentils avec moi. Je les en remercie.

Cette nouvelle n'était pas vraiment une surprise, mais elle rassura quelque peu la jeune femme. Parfois, elle se demandait comment un homme aussi doux qu'Ivnir parvenait à tenir certaines classes de ce lycée - elle se rappelait elle-même avoir été une élève pour le moins... difficile, par le passé. Enfin, au moins, ses résultats pardonnaient largement les quelques bêtises qu'elle avait pu faire à l'époque.
Mais ses classe se comportaient bien, donc, c'était une bonne chose.
La jeune femme hocha doucement la tête, alors que son collègue laissait tomber la petite boule à thé dans la théière. Alors qu'il accrochait consciencieusement celle-ci pour ne pas qu'elle se perdre au fond du récipient, Ivnir reprit la parole, d'une voix toujours aussi douce.

- Et toi ? Pas trop de travail j'espère ?

Kristal détacha son menton de ses mains, pour doucement agiter son index en direction de son collègue, un léger sourire en coin accroché aux lèvres.
Il y avait quelque chose de presque attendrissant à cette question. On ne la lui posait pas souvent, en tout cas.

- J'ai pas trop à me plaindre. Une grippe par-ci, un mal de gorge par là... on est loin du surmenage d'il y a dix jours.

Car clairement, au lendemain de la Battle School et pendant les quelques jours qui suivirent l'évènement, le médecin avait eu fort à faire. Sans compter l'attaque inopinée des Origines à son encontre. Vraiment, comparé à cela, elle avait passé une journée des plus reposantes, n'ayant pas même à utiliser son pouvoir - en témoignaient d'ailleurs ses yeux noirs.
Elle retira ses coudes de la table pour lisser les quelques plis qui étaient apparus sur l'avant de son pull et continua, les yeux rivés sur ce qu'elle faisait.

- En temps normal ça m'ennuierait un peu, mais je t'avoue que je vais pas cracher sur un peu de repos pour une fois.

Un petit rire s'échappa de ses lèvres alors qu'elle relevait les yeux vers Ivnir : elle n'aurait jamais pensé s'entendre dire un jour être contente de ne pas avoir trop à faire.

Posant ses yeux sur la boîte métallique qu'elle avait laissé sur le côté de la table, elle se pencha vers celle-ci, l'ouvrant pour en découvrir le contenu : de petits macarons verts, bleus et rose, tous de taille et de forme identiques.
Elle poussa ensuite légèrement la boîte en direction de son collègue, l'encourageant du regard à prendre un biscuit.

- Oh, sers-toi au fait, je les ai fait hier soir, tu me diras ce que tu en penses.

Les macarons n'étaient pas son dessert favori, mais il se mariaient à merveille avec une tasse de thé. Et autant en manger un ou deux en attendant que l'infusion se propage dans la théière.

Ces petites réunions sont vraiment un havre de paix dans cette école toujours en mouvement. Je les apprécie chaque semaine et lorsque je vois les visages souriants et apaisés de mes deux collègues, je sais qu'il en est de même pour eux. Le thé et les gâteaux aident bien entendu. Mais que ferions-nous sans un petit plaisir de temps à autre. Tout jovial, j'écoute ce que me dit Kristal. Et à vrai dire, elle n'a pas tord. Après cette Battle School, les blessés et malades se sont enchaînés. La pauvre. J'en garde un très mauvais souvenir, de cette période. Attaquer un pauvre homme que je ne connais pas m'a terrifié. Jamais je n'irai de nouveau. Plutôt mourir. Cependant, le mot de quatre syllabes qu'elle use me fait mal dans le dos.

J'en frissonne rien que d'y repenser. Quelle horreur. Mais tout est fini maintenant, nous pouvons déguster une tasse de thé et des gâteaux sans risques. Souriant, j'observe la médecin ouvrir sa boîte et libérer de petits macarons. Il y en a des verts, des bleus et des roses. Diantre, je ne sais lesquels choisir. Je finis par opter pour un bleu. C'est joli le bleu. Le portant à ma bouche, je croque dedans et laisse la saveur se déposer sur mes papilles. Quelle douceur. J'aime beaucoup. En hochant la tête, je la remercie.

- C'est parfait Kristal. Vraiment, je ne te savais pas ces talents mais ils te vont à ravir.

Sur ces mots, je termine la gâterie avant de me resservir une rose. Autant en profiter tant qu'il y en a.

Durant quelques instants, Kristal sembla voir son cher collègue frissonner quelque peu. Elle ne compris toutefois pas tout à fait la raison de ce frisson, finissant par le mettre sur le compte de la température ambiante de la salle des professeurs. Ivnir était un tantinet frileux, aussi elle ne pouvait qu'imaginer qu'il supportait mal la fraîcheur relative de la salle.
Le regard posé sur le gentil professeur d'histoire qui semblait face à un choix des plus cornéliens, les yeux fixés sur la boîte de macarons, la nymphe sourit légèrement, plutôt amusée. Cet homme était une véritable boule de sucre, elle ne comprenait pas comment il faisait pour toujours sembler si enfantin, mais sans tomber dans la niaiserie : Ivnir était un véritable mystère pour elle. Mais étrangement, il était l'un de ceux qu'elle n'avait pas envie de démanteler, préférant savourer son ignorance à son propos.

Finalement, le doux homme tendit sa main en direction de la boîte pour en sortir un macaron bleu, qu'il ne tarda pas à porter à ses lèvres. Suivant son geste, Kristal en prit un à son tour - vert, pour sa part -, tout en observant la réaction de son collègue. Celle-ci ne se fit d'ailleurs pas attendre, Ivnir hocha sa tête dans sa direction, apparemment pas mécontent de la petite pâtisserie dans laquelle il venait de croquer.

- C'est parfait Kristal. Vraiment, je ne te savais pas ces talents mais ils te vont à ravir.

Lui faisant un léger signe de la main pour le remercier, la jeune femme sourit à son tour à Ivnir, ravie que ses petits macarons lui plaisent. Elle avait l'impression d'avoir légèrement perdu la main au moment où elle avait fait ces petits gâteaux, mais elle était contente qu'ils lui plaisent malgré tout.
Portant son propre macaron à sa bouche, la jeune femme prit la parole, gardant le petit gâteau devant elle quelques instants pour remercier son collègue du compliment qu'il venait de lui faire.

- Tu sais, c'est plus un passe-temps qu'un réel talent, mais merci. Prends-en autant que tu veux.

Elle tendit ensuite son macaron vers lui comme un toast, avant de l'engloutir goulûment, n'en faisant qu'une seule bouchée. Au diable l'élégance, elle appréciait ce petit moment de tranquillité et savait que son collègue n'était pas de ceux qui se vexeraient de son manque cruel de féminité en société. Une qualité de plus que ce gentil professeur avait à ses yeux, probablement sans le savoir.

Jetant un coup d’œil à la théière qui commençait doucement à se teinter d'une jolie couleur oscillant quelque part entre le jaune et le vert, Kristal avança sa main droite vers celle-ci. Elle en retira ensuite doucement l'infuseur qui y flottait et le déposa dans une petite coupelle qu'elle avait gardé de côté à cet effet.
Le thé était prêt, il était temps de le servir. Et sans plus attendre, la jeune femme en attrapa la poignée en se tournant vers Ivnir. Elle commença ensuite à doucement en verser le contenu dans les tasses qui trônaient face à elle, enveloppant les deux collègues dans les douces odeurs de citron, de menthe et d'épices qui se mélangeaient dans l'air.

- Allez, goûtons cette petite merveille que tu nous as ramené.

À présent, leur petite réunion hebdomadaire pouvait réellement commencer. Et comme à chaque fois, elle présageait déjà être une après-midi aussi reposante que réjouissante.

La gentille Kristal est toujours égale à elle-même. Je ne l'ai jamais vu, depuis que je la connais, affirmer qu'elle était très forte dans un domaine. Si il y a bien une qualité qu'on peut lui assigner c'est qu'elle est humble. Je l'aime beaucoup mais j'aimerai parfois qu'elle accepte ses talents comme ils se doivent. Avec un doux sourire, j'attrape à nouveau un autre macaron. Ils sont vraiment bon, je m'en régale.

Plus je suis à Xényla, plus je me dis qu'Èdward aurait adoré connaître tous ces gens. Il aurait été ami avec Kristal, l'aurait poussé plus haut que je ne le pourrais. Il aurait redonné confiance à tout le monde, par ces mots et sa musique. Il était un cadeau pour cette école lorsqu'il y était élève, il aurait été un don de l'Unique si il y avait été professeur. J'en suis certain. Parfois, j'ai envie de parler de cet homme que j'aime tant à Jun et Kristal. Hélas, je n'ai pas envie de les mettre mal. Ils ne sauraient pas quoi dire parce qu'il est décédé. Pourtant, je le sais, je l'accepte.

Peut-être un jour lui en parlerais-je. Nous verrons bien. Pour le moment, nous allons déguster du bon thé. La médecin me sert ce délicieux liquide que je m'empresse de humer. Cela sent si bon. Avec précaution, je glisse deux sucres dans l'eau chaude et mélange avec ma cuillère. Même si c'est vu comme un crime que de mettre du sucre dans le thé, j'aime bien. Cela exauce le goût et puis, le sucré est vraiment trop agréable.

Toujours souriant, je souffle sur le contenu avant d'en avaler un petit peu. Je me suis décidé. Aujourd'hui je lui parlerais d'Èdward et de notre histoire d'amour.