Recette d'un bon Requin à l'Acide [ft. Miranda]

Des clameurs, du spectacle, de la sueur.

Dans l'arène, chacun se bat pour prouver sa valeur, pour impressionner son public. Galvanisés par l'adrénaline de ces combats, les combattants oublient même parfois qu'un simple contact des épaules de leur adversaire contre le sol suffirait à leur garantir la victoire. Ils se démènent, se débattent, font l'étalage de leur plus grande fierté : leur pouvoir. Et pour ce faire, certains n'hésitent pas à tout faire pour mettre leur adversaire totalement hors d'état de nuire.
Quitte à les précipiter dans une civière, s'il le faut.

Des cris, des coups, du sang.

C'est ça, la Battle School.

Un événement aussi violent que surprenant, dont personne ne peut jamais anticiper avec justesse les résultats. L'inattendu y guette sournoisement ses spectateurs, les frappant toujours avec force lorsqu'ils s'y attendent le moins - en témoignent les résultats de la dernière édition organisée par le lycée Xényla.
Il est plutôt rare d'y voir des personnes faibles s'inscrire - à moins bien sûr, qu'elles caressent l'espoir de tomber contre plus faibles qu'elles encore, où qu'elles comptent tirer leur épingle du jeu au moyen de la ruse. Une personne sensée ne s'y inscrit qu'après avoir préalablement sous-pesé son pourcentage de chances de s'en tirer durant cet évènement au moyen de ses capacités de combat, consciente de l'aspect violent qui y sera évidemment omniprésent.

Malheureusement pour lui, Mikhaïl n'était pas une personne sensée.

Si l'on tenait compte du traumatisme que sa victoire durant la dernière Battle School avait bien pu provoquer en lui, il aurait fait sens qu'à cette nouvelle édition de l'évènement, le CPE de Xényla reste sagement dans les gradins - voire même, dans son bureau. Qu'il évite la violence de ces lieux qu'il détestait tant.
Et pourtant, le grand homme était bien là, au milieu de l'arène, attendant patiemment son adversaire, vêtu de son plus bel ensemble de sport pour l'occasion.

Il l'avait acheté tout spécialement pour la Battle School - principalement parce qu'il ne possédait pas le moindre vêtement approprié pour l'occasion, et qu'il n'avait aucune envie de salir à nouveau l'une de ses jolies chemises durant l'évènement. Sa dernière participation à ces combats lui avait tout de même valu la destruction d'une de ses plus belles chemises blanches, et le requin rose n'avait toujours pas totalement digéré cette terrible perte.
L'hybride avait donc fait quelques emplettes, non sans demander leur avis à ses précieux amis avant de fixer son choix sur sa tenue finale : un pantalon de sport rose pâle, son haut de survêtement assorti, un élastique de couleur indéterminée pour rassembler ses cheveux dans une petite queue de cheval et de jolies baskets à sequins - argenté, lui avait-on dit ? - pour parfaire le tout.

Il avait une fois de plus été très difficile pour Mikhaïl d'abandonner son éternel haut-de-forme, et plus difficile encore de se séparer de son précieux Ragnar. Après tout, il n'y avait rien au monde que le jeune homme ne chérissait plus que ces deux éléments de sa vie. Mais heureusement, il n'avait pas eu à les abandonner au bord de l'arène comme il avait dû le faire quelques mois plus tôt.
Non, cette fois, il les avait tous deux confiés à une personne de confiance. Il les avait confiés à celui qui lui  avait permis de tout surmonter pour se réinscrire ici, à celui qui l'avait convaincu - après des semaines et des semaines de consultations - des bienfaits que cette nouvelle Battle School aurait sur lui, à celui en qui il avait une confiance aveugle pour tout : Dorothée.

Mikhaïl leva les yeux vers les gradins qui l'entouraient, à la recherche du visage rassurant de son cher psychologue. S'il avait réussi à se placer au centre de l'arène, il n'en était pas moins angoissé à l'idée devoir se battre à nouveau, et un sourire de son ami lui serait d'une aide précieuse pour lui permettre de se calmer un peu.
Après quelques secondes de fouille intense de la foule, il le trouva, aux côtés de Mr. le Principal. C'est vrai, Dorothée était quelqu'un d'important ici, quelqu'un digne de rester aux côtés de cet homme aussi vénérable qu'intimidant. S'attardant sur son supérieur, l'hybride lui adressa un signe respectueux de la tête, avant de fixer son regard sur son cher ami masqué. Ragnar et son chapeau étaient en de bonnes mains, c'était une certitude : Dorothée était là, il allait garder un œil sur lui, il le protégerait de là-haut. Tout ne pourrait aller que pour le mieux. Oui, il fallait absolument qu'il en reste convaincu.

Laissant échapper un long soupir pour se donner un peu de courage, le grand bonhomme se mit à légèrement sautiller sur place avant d'adresser à Dorothée son sourire le plus radieux, accompagné d'un signe de main vigoureux. Il avait bien envie de lui demander de porter Ragnar à bout de bras de sorte à ce qu'il puisse mieux le voir, mais il doutait que sa voix ne se fasse entendre si loin. Il se contenta donc de lever les pouces à son encontre, avant de se concentrer sur un changement qui venait d'opérer dans l'arène.
En effet, il avait pu entendre dans son dos les pas de son adversaire se rapprocher, signalant l'imminence du début de cette nouvelle épreuve pour lui : mais qui allait donc lui faire face cette fois-ci ?

Un immense sourire étalé sur le visage, Mikhaïl se retourna pour observer une petite fille aux cheveux rose avancer dans sa direction. Si cela était possible, son cœur aurait probablement fondu au creux de sa poitrine à la vision d'un être si adorable : elle était tellement minuscule, tellement mignonne, il aurait cru voir une petite poupée en sucre !
Le requin n'avait aucun doute concernant l'identité de cette personne : il s'agissait de Mélinda, la sœur de Dorothée. Enfin, quelque chose comme ça. C'était la première fois qu'il se retrouvait réellement face à elle, mais il la reconnaissait sans problème à la couleur de ses longs cheveux.

- Bonjour mademoiselle Mélinda ! Misha, ravi de vous rencontrer enfin !

Tout en lui offrant ses présentations d'un ton enjoué, Mikhaïl tendit sa main en direction de la jeune femme pour qu'elle la serre. Qu'on leur demande de combattre n'allait pas le rendre moins courtois, il avait une réputation à tenir !

La Battle School, c'est un événement que j'affectionne tout particulièrement. Je peux m'y donner à cœur joie et laisser libre cours à mon pouvoir. Il est peut-être nul, chiant dans toutes les circonstances et absolument pas classe, il est parfait pour des trucs comme ça. En plus, je peux montrer ce que je vaux à Alexei. Lui, est tombé sur l'autre idiote de médecin. J'en pouvais plus de ma vie pendant leur combat. Je suis sûre et certaine qu'elle a essayé de le draguer. C'en est certain. Honnêtement, je sais pas ce qui m'a retenu de briser la rambarde de l'arène quand j'ai vu ça. Peut-être le regard noir de mon patron quand il aurait vu ça. J'vous jure, c'est parfois dur la vie de prof à Xényla. Surtout quand on peut pas exploser la face de tout le monde.

Habillée d'un leggings violet et d'une brassière rose, je passe seulement une veste de sport grise sur mon dos. Je ne vais pas rester longtemps statique et à force de bouger, je vais crever de chaud. Tout en regardant le match à l'écran, je m'échauffe. Au bout de vingt minutes, tous mes muscles principaux sont chauds et prêts à l'action. Je n'attends plus que le signal.

Avançant d'un pas déterminé dans l'arène, je ne peux m'empêcher d'observer cet hurluberlu qui va me servir d'adversaire. Le CPE. Pourquoi est-il là ? La dernière BS ne lui a pas suffit ? Maintenant, je comprends mieux pourquoi Maria m'a dit de faire attention à ne pas trop abîmer mon adversaire. C'était pas pour Kristal, mais pour lui. Dommage pour mon charmant cousin, mais je compte bien faire chier cette collègue désobligeante. J'attrape ma tresse et la remets correctement.

- Bonjour mademoiselle Mélinda ! Misha, ravi de vous rencontrer enfin !

Mais quel est cet énergumène ? Totalement désorientée, je lui sers la mai. En bredouillant quelques salutations. Est-il au courant qu'il va se battre dans cinq minutes ? Est-il au courant que d'I son pouvoir n'est pas aimable, le mien non plus ? C'est à se demander.

Sans grande surprise, la gentille Mélinda accepta la main tendue qui lui avait été présentée et salua même son collègue de travail à son tour. Mikhaïl fut ravi de cette découverte : elle était donc une jeune femme courtoise elle aussi, ce devait certainement être un trait familial d'être une personne amicale, elle avait l'air aussi gentille que Dorothée !
Si le requin avait eu plus de temps pour le faire, il aurait probablement commencé à poser toutes sortes de questions à cette petite femme. Comment se sentait-elle aujourd'hui ? Lui-même avait plutôt faim. Était-elle prête à se battre dans l'arène ? Car lui ne l'était certainement pas. Quelle était la couleur qu'il pouvait observer au bout de ses cheveux roses ? Car il n'y voyait qu'un vilain gris qui gâchait le reste de sa chevelure. Aimait-elle les masques comme son frère ?

Le grand CPE secoua la tête vigoureusement.
Non, non et non. Il y avait un moment pour tout, et il n'était pas venu ici pour faire cela. Dorothée lui avait demandé de s'inscrire à cette Battle School pour qu'il comprenne mieux ce qu'il s'était passé lors de son combat contre monsieur Dwayne, alors il fallait maintenant qu'il fasse tout son possible pour ne pas le décevoir.

S'éloignant lentement de son aimable collègue pour se placer à la distance respectable qu'on leur exigeait avant chaque début de combat, Mikhaïl en profita pour réfléchir quelques instants.
Dorothée lui avait demandé de se réinscrire ici afin de mieux comprendre ce qu'il lui était arrivé la dernière fois - ça, il l'avait bien compris -, mais le grand bonhomme ne savait honnêtement pas si le fait de se retrouver à nouveau dans cette arène lui serait réellement bénéfique. Puis il repensa à Mélinda. Oui, si son ami masqué lui avait dit de ne pas s'en faire, ce devait être parce qu'il savait qu'il serait confronté à elle, il était donc impossible que ce combat se passe aussi mal que celui qu'il avait pu avoir avec le gardien.

Un léger frisson parcourut l'ensemble de sa colonne vertébrale en repensant à cet affreux souvenirs indistinct, avant qu'il ne décide de s'arrêter et de se retourner pour refaire face à son adversaire.
Expirant lentement un bon paquet d'air de ses poumons, il frotta ses mains pour les réchauffer un peu - la peau épaisse de requin avait parfois ses inconvénients -, tout en laissant balader son regard sur les gradins qui l'entouraient. Des centaines de paires d'yeux étaient fixées sur eux, c'était réellement intimidant.

Lançant un dernier regard à son cher ami aux cheveux violets, Mikhaïl se décida enfin à reporter son attention sur son adversaire. Il était prêt maintenant. Ou du moins, il était plus prêt maintenant qu'il y a encore quelques minutes.
Il prit une profonde inspiration, avant de prendre la parole une dernière fois. Il le fallait, il avait besoin de parler.

- Je crois qu'ils attendent qu'on commence le jeu alors... bonne chance !

Gratifiant ces mots d'un sourire encourageant à l'adresse de sa collègue rose, Mikhaïl baissa légèrement la tête, avant de faire craquer ses longs doigts blancs. Son cher psychologue allait être fier de lui, oui, il allait tout faire pour répondre à ses attentes.
Enfin...

Maintenant qu'il commençait enfin à réfléchir à la question du déroulement du combat, l'homme rose venait de réaliser quelque chose : il n'avait fichtrement aucune idée de la façon la plus adéquate de faire toucher les épaules de son adversaire contre le sol. Lui demander gentiment de se coucher ? Dorothée lui avait déjà dit que ça ne l'aiderait pas. Alors... la pousser ? Tomber sur elle ? Lui faire un croche-pied ?
Analysant le tout petit corps de Mélinda, il eut un mal de tous les diables de ne pas échapper un petit gémissement de frustration. Qui donc pourrait bien vouloir faire tomber un être aussi adorable que cette petite femme sur le sol ? Elle allait être sale et la chute pourrait la blesser, ça n'était pas vraiment galant comme manière de faire.

D'un pas hésitant, il s'avança lentement vers elle, les poings serrés.
Il n'avait absolument pas la moindre idée de ce qu'il était supposé faire après cela, mais il fallait bien qu'il commence quelque part.

Plus je regarde cet homme, plus j'ai l'impression qu'on m'a mît une grosse blague sous le nez. Maria s'est moqué de moi, ce n'est pas possible autrement. Il a beau être très grand et plutôt impressionnant de part sa carrure de requin, Misha reste tout de même le petit CPE soumit à tout le monde à qui on peut donner toutes nos corvées sans qu'il ne démorde de son sourire. Alors l'affronter en BS, c'est juste une stupide boutade. Il n'a même pas envie de se battre, ça se voit sur sa tête. Le pauvre petit être, je le plains. Parce qu'une chose est sûre, je vais lui en mettre plein la tête. Ça fera du travail en plus à Kristal et une bonne façon pour montrer à cette guimauve rose que sa place est partout sauf ici. Seuls les déterminés doivent allés à la Battle School. Les mauviettes, c'est aux vestiaires.

Sans bouger de ma place, je commence à sautiller, à faire tourner mes poignets, mes épaules. Dès qu'il sera prêt, je lui rétamerai la face. Je lui accorde au moins cette faveur. C'est d'ailleurs pour ça que je le laisse avancer vers moi, déterminé comme un opossum sous prozac. Avec un petit sourire, je finis par courir, franchissant les derniers mètres qui nous séparaient pour aller lui flanquer un point acidulé dans les côtes. Je lui en remets un autre avec mon tibia -qui lui aussi se transforme- et en un rien de temps, je suis une flaque d'acide et qui lui rampe sur la jambe. Le charme à l'état pur.

Arrivé à mi-parcours de sa cible, Mikhaïl se rendit enfin compte de l'ampleur de la bêtise qu'il avait eu de s'avancer vers Mélinda sans réfléchir plus spécifiquement à ce qu'il allait bien pouvoir faire par la suite.

En effet, ne lui laissant pas même un moment d'indécision pour repenser son action, son adversaire s'était elle aussi élancée dans sa direction, pour rapidement gratifier le CPE d'un violent coup de poing en direction de son ventre. Pas assez rapide pour anticiper le coup, le requin ne put qu'observer cette masse d'os minuscule lui fondre dans les cotes.

Si Mikhaïl ne s'attendait qu'à sentir un petit impact en accord avec la taille enfantine de Mélinda, il fut bien étonné de sentir que ce poing fit bien plus mal que ce à quoi il aurait pu s'attendre. A vrai dire, c'était comme s'il... piquait ? Oui, il avait l'impression que sa peau le démangeait à l'endroit même où on venait de le frapper.
Sans lui laisser le temps de réellement réagir à cette première attaque, la petite nymphe enchaîna, lui envoyant un violent coup de tibia au même endroit. Cette fois, la douleur se fit ressentir bien plus violemment qu'au premier coup. Plus qu'un tibia, le requin avait l'impression de sentir quelque chose de brûlant frapper contre sa peau, pourtant bien épaisse.

Les yeux écarquillés et la bouche ouverte, il essaya vaguement de faire un pas en arrière mais s'interrompit en constatant que son adversaire - qui semblait pourtant bien déterminée à combattre - avait disparu. Tournant la tête de gauche à droite à la recherche de la jeune femme, Mikhaïl était totalement désorienté : elle n'était visible nulle part. Elle n'était pourtant pas si petite que cela !
Où était-elle donc passée ?
Et pourquoi quelque chose lui picotait la jambe ?
L'hybride baissa les yeux, remarquant soudain un énorme trou dans son joli haut de sport, ainsi qu'une trace de brûlure sur la peau de ses cotes.

Un hurlement atroce résonna dans l'arène, s'échappant des lèvres du grand homme.

En quelques secondes à peine, le picotement sur sa jambe venait de se transformer en horrible sensation de brûlure, quelque chose qu'il n'avait encore jamais senti auparavant. Et cette douleur atroce provoqua immédiatement en lui un chamboulement total.

Avec une sensation de déjà-vu, le requin sentit ses pupilles rose se dilater totalement, jusqu'à ne laisser de son iris visible qu'un anneau doré. Baissant son regard vers ses mains, il put voir que sa peau s'était totalement recouverte d'épaisses écailles rose, comme si son corps cherchait à le défendre de la chose qui l'attaquait.
Son corps se mit alors à trembler de tout son long, chaque parcelle de son être semblant soudain s'animer d'une haine immense.

Jamais il ne se souvenait avoir eu autant de colère accumulée en son être.
Il ne se reconnaissait pas.

Sans pouvoir contrôler le moindre de ses gestes, Mikhaïl se vit lancer sa jambe douloureuse devant lui, faisant tout son possible pour le débarrasser de l'horrible tâche verte qui semblait être la raison de ses brûlures douloureuses.
Il ne cessait de s'agiter en tous sens, ses dents pointues claquant de rage à la recherche d'un responsable à punir de la douleur qu'il était en train de subir.
Comme prisonnier de sa propre enveloppe corporelle, l'esprit du gentil homme rose était totalement terrifié par la situation, pétrifié par cette sensation d'absence totale de contrôle sur ses propres membres.

Le CPE n'arrivait pas à réfléchir à quoi que ce soit.

Tout ce qu'il était en mesure de comprendre, c'était à quel point il souffrait de cette chose qui lui rongeait la peau. Et qu'il avait comme un besoin irrépressible de trouver un moyen d'attraper cette flaque verte, et d'exterminer la personne qui l'avait envoyé sur elle.
Oui.
Voilà ce que son corps cherchait désespérément à faire sans son consentement : déchiqueter quelque chose.

Plus je peine à m'accrocher à la jambe du requin, plus je maudis Maria de ne pas m'avoir prévenu. Lui devait bien savoir que son gentil CPE rose pouvait se transformer en hystérique des tremblements. La flaque transparente et légèrement verdâtre que je suis n'en peux plus de sa vie. Heureusement tout de même que mes deux acides combinés font leur boulot. Je vois les fibres de ses vêtements se décomposer dans l'acide et tomber, laissant apparaître la peau à nu que mon corps attaque. Lentement, de larges veines remplies de lymphes apparaissent pour protéger cette petite peau fragile. Du moins, fragile jusqu'à ce que des écailles apparaissent. Là, c'est moins drôle. Parce que j'arrive bien moins à l'attaquer. C'est comme une carapace, c'est résistant et difficile à travailler.

Et puis s'accrocher me demande beaucoup trop de force. Lorsqu'il envoie sa jambe en avant une énième fois, je saute sur l'occasion et le lâche. En plein vol, je redeviens la Miranda que tout le monde connaît et amortit avec mes jambes, la chute que je fais sur le sable. Un dérapage plus tard, je pousse sur mes talons pour revenir vers lui, sauter et me transformer de nouveau. J'ai eu de la chance, un peu plus et je finissais entre ses puissantes mâchoires. Pour une fois, je lui tombe sur le torse. Je commence à l'attaquer lorsque quelque chose me pique et fait jaillir quelques éclaboussures de la flaque d'acide que je suis. Zut, un peu de bave est tombée sur moi et me voilà qui grésille. En serrant les dents que je n'ai plus sous cette forme, je continue mon affaire quand de nouveau, je sens une douleur. Puis une autre, et encore une autre. À chaque goutte de pluie, deux petites gouttes d'acides frémissent. L'horreur de l'acide face à l'acide.

En grognant de douleur, je redeviens moi-même en vitesse. Toujours accrochée au torse de Misha, le CPE.

Mikhaïl grognait, rageait, et ses dents claquaient plus que jamais tandis que son regard se riva sur l'endroit où il avait l'impression de sentir ses écailles se désagréger. Là, sous ses yeux, il pouvait clairement voir cette immonde chose visqueuse lui ronger la peau, son pantalon de sport ayant été troué là où l'acide s'était faufilé.
Dans un cri rageur, le requin se remit à secouer sa jambe de plus belle, jusqu'à ce qu'enfin il voit la petite flaque informe se détacher de lui dans un bond, sans toutefois que la douleur de sa jambe ne disparaisse.

Mais alors que la flaque se détachait de lui, il vit celle-ci changer de forme, pour laisser place à son adversaire qu'il avait vu disparaître une poignée de minutes plus tôt, en train de déraper sur le sol face à lui.
L'animal ayant prit le contrôle du CPE fronça les sourcils, le regard empli de haine envers la petite femme fluette. Elle n'avait donc pas seulement lancé cette substance douloureuse sur lui : elle était elle-même la chose qui le faisait souffrir.
Et elle allait le payer très cher.

Entre eux, comme suspendue dans le temps, une goutte de pluie tomba.

Dans un hurlement rageur, le requin se rua sur son adversaire, aveuglé par la seule envie de lui faire subir un supplice mille fois supérieur à ce qu'elle venait de lui infliger. Sa bestialité avait envie de la déchirer, de la tordre, de la lacérer jusqu'à ce que son sang se répande partout sur le sable de l'arène.

Mais avant qu'il ne parvienne au niveau de sa proie, celle-ci avait déjà pris son élan pour se jeter sur lui, se transformant à nouveau en petite flaque tandis que les mâchoires de l'hybride se refermaient dans le vide.
Cette fois, c'est le torse de l'homme qui se mit à le brûler, un nouveau trou béant ayant fait son apparition dans ses vêtements pour exposer ses écailles en train de lentement rougir davantage dans un grésillement atroce. La souffrance était telle qu'en plus d'un nouveau hurlement incontrôlable qui résonna dans l'arène, on put voir des larmes de douleur commencer à brouiller la vision de l'homme.

Une deuxième goutte de pluie s'écrasa sur le sol.
Bientôt suivie de plusieurs autres, annonçant une possible averse.

Alors que la douleur sur sa poitrine s'intensifiait de plus en plus et que Mikhaïl avait l'impression de chaque seconde devenir un peu plus fou, quelque chose d'inattendu se produisit. Quelque chose qui fit apparaître un sourire dangereusement carnassier sur son visage tordu par la rage et la douleur.
La flaque d'acide sur son torse venait d'être remplacée par une petite femme, fermement accrochée à lui.

Un bruit indescriptible s'échappa de sa bouche dans un gloussement sordide.
Elle était enfin totalement à sa merci.

Sans plus attendre, l'hybride attrapa rageusement la petite aux cheveux rose par ses épaules, les serrant avec force avant de la forcer à s'arracher de son torse en la jetant violemment devant lui. Voyant son adversaire se réceptionner tant bien que mal sur ses pieds, il ne lui laissa pas le loisir de se transformer à nouveau devant lui, la ruant avec toute la rage dont il pouvait faire preuve.
Cette fois-ci, il avait bien l'intention de lui faire payer tout ce qu'elle lui avait fait subir.
S'il tremblait à présent, c'était d'excitation à l'idée de planter ses dents dans sa tendre et fragile chaire à sang chaud.

Avec rapidité, l'animal avait réussi à se jeter sur sa proie, l'entraînant dos contre le sol, les mains plaquées contre sa gorge pour l'empêcher de dérober à son emprise.
Pas question de la laisser s'échapper.
Maintenant, c'était à son tour de souffrir.
À son tour de vivre la même chose que lui.

Penché sur elle, Mikhaïl avait atrocement mal.
Pas seulement parce que les brûlures sur sa jambe et son torse le meurtrissaient cruellement, mais également parce qu'il n'arrivait pas à contenir le monstre en lui qui lui faisait ressentir ce besoin de vengeance, ce besoin de planter ses nombreux crocs dans la chaire de cette femme. Il luttait de son mieux contre ce démon sanguinaire qui le contrôlait mais ne pouvait qu'assister, impuissant, à la scène de son propre corps sur le point de déchiqueter sa pauvre petite collègue.

Le regard rivé sur Mélinda, il se sentit passer sa langue sur ses dents, quelque chose en lui s'extasiant à l'idée de se repaître de la petite nymphe.

C'est alors que quelque chose d'étrange se produisit à nouveau en lui.

Pourtant sur le point d'enfoncer ses crocs dans le corps de sa collègue, l'hybride sentit comme une vague de chaleur apaisante le traverser, détendant progressivement chacun de ses muscles. Des larmes se mirent à nouveau à perler au coin de ses yeux, alors que son visage approchait dangereusement de celui de sa proie au sol.
L'innocent homme en lui comprenait ce qu'il était en train de se passer, il reconnaissait cette bulle réconfortante qui l'entourait : Dorothée.

Il était là, il savait qu'il ne l'abandonnerait pas.

Mikhaïl plongea son regard embué dans celui de la femme qu'il était en train de plaquer au sol, leurs visages maintenant pratiquement collés.
Ses traits si doux.
Ses cheveux rose.
Ses si jolis cheveux rose...

Explosant soudain la carapace de rage qui avait réussi à prendre contrôle de lui, le pauvre homme se redressa pour s'écarter légèrement de la jeune femme, lui permettant ainsi de se redresser à son tour.
Mais alors qu'elle était sur le point de se relever, Mikhaïl éclata soudain en sanglots, l'enserrant de ses bras de toutes ses forces pour fondre en larmes, la tête enfouie contre son cou.
Il ne pouvait expliquer ni son geste, ni les mots qui lui échappèrent ensuite, mais il savait cette fois que c'était bien son cœur à lui, au Misha qu'il croyait intimement être, qui était en train de parler pour lui.

- Je- désolé, tel- tellement dés...

Et il resta ainsi, déboussolé et inconsolable, jusqu'à ce qu'on le force à rompre ce contact - pourtant si indispensable pour son bien-être - pour lui demander de quitter l'arène.

Il avait gagné, une fois de plus...

Étalée sur le sol, totalement à la merci de ce monstre rose aux crocs démesurés, je commence à me demander ce que j'ai fait pour mériter ça. Alors que j'avais réussi à revenir sur mes pieds lorsqu'il m'avait lancé, le second choc m'a été fatal. J'ai perdu. Là, épaules contre le sol, je vois ces grandes mains enserrées mon cou. Pourquoi continue-t-il alors que c'est terminé. On a annoncé la fin, les arbitres l'ont dit. Pourquoi n'arrête-t-il pas ? Maria ne me laisserait tout de même pas tué sur le sable de l'arène ? Le Principal non plus ? L'angoisse s'empare de mes yeux, de mon être, tandis que les dents tranchantes du CPE s'avancent de plus en plus, prêtes à déchirer mes fines chairs. Je ne veux pas mourir ainsi. 22 ans, c'est bien trop jeune.

Alors que je ferme les yeux pour me soustraire à cette horrible vision, un changement se produit. L'homme sur moi se détend et l'atmosphère qui règne autour de lui déteint un peu sur moi, me faisant légèrement relâcher. L'Unique merci, mon cousin ne pas laissé tomber. Je soupire de soulagement tandis que Mikhail enlève la pression qu'il exerçait sur moi. Peur, j'ai eu si peur. Lentement, je me relève, un peu titubante. Plus jamais j'accepte de me battre en BS si je dois être contre lui. Ou alors, je veux être certaine que sa tête a toute ses cases avant.

J'essaie de reprendre mes esprits quand deux bras m'enserrent et qu'une tête vient de loger dans mon cou pour pleurer. Pour quelle raison fait-il cela ? C'est atrocement gênant et jamais je n'ai accepté que quelqu'un pleure sur mon épaule. Et ce n'est certainement pas aujourd'hui que cela va changer. Je cherche à me dégager et n'écoute même pas ses excuses tellement cela m'oppresse. Par l'Unique, faites qu'il me lâche.

Heureusement pour moi, on le force à me laisser et il va rejoindre les vestiaires en attente de son prochain combat. Il est en demi-finale, c'est bien. Moi, j'ai perdu. Encore une fois. Et tout ça, à cause de la pluie et de ses problèmes mentaux. De quoi désespérer sur mon cas. En soupirant, je rejoins les vestiaires où je me change pour ensuite rejoindre Maria dans la loge du Principal. Quelle chance d'être la cousine du premier conseiller de son patron.

Apprendre que se retrouveraient face à face Mikhaïl et Miranda avait réjoui le Principal. Cela promettait du mouvement. Derrière son masque, il souriait, exalté. Il ne pouvait que féliciter son adjoint pour cette délicieuse idée. Du tragique, du sang, un affrontement à la hauteur de ses espérances. Une fois encore, le requin avait gagné ; pas seulement cette manche, mais l'intérêt du directeur. Il n'était pas déçu de Miranda non plus, cela dit. Sa petite professeure de MPD se débrouillait très bien, et son pouvoir lui seyait à merveille. Son associé discrètement remercié d'avoir évité un massacre en public - Xényla souffrait suffisamment sa mauvaise publicité sur l'Île depuis l'accident - il s'avança pour l'annonce :

- Toutes mes félicitations à vous deux, vous vous êtes très bien battus. Je vous souhaite bon courage pour le prochain affrontement, et bon rétablissement.

Son lycée avait besoin de combattants de cette trempe. L'évolution du requin était à surveiller de très près ; il faisait confiance à Maria pour cela. En ce qui concernait Miranda, il avait déjà quelques projets pour elle.